Les pestes de nos corps s'échauffent en été
Et celles des esprits en la prospérité.
Leur souper s'entretient de leurs ordes amours,
Les maquereaux enflés y vantent leurs beaux tours;
Le vice, possédant pour échafaud leur table,
Y déchire à plaisir la vertu désirable.
Rien ne noircit si tôt le ciel serein et beau
Que l'haleine et que l'œil d'un transi maquereau.
Un nouveau changement, un office nouveau
D'un flatteur idiot fait un fin maquereau.
Et fidèle et clément il a chanté le Roi
Qui, pour tuer les siens, tua sa propre foi.
Ces tyrans sont des loups, car le loup, quand il entre
Dans le parc des brebis, ne suce de leur ventre
Que le sang par un trou et quitte tout le corps,
Laissant bien le troupeau, mais un troupeau de morts;
J'appelle Dieu pour juge, et tout haut je déteste
Les violeurs de paix, les perfides parfaits,
Qui d'une sale cause amènent tels effets :
Là je vis étonnés les cœurs impitoyables,
Je vis tomber l'effroi dessus les effroyables.
Quel œil sec eût pu voir les membres mi-mangés
De ceux qui par la faim étaient morts enragés ?
Pauvre enfant, comment parais-tu
Paré de la seule vertu?
Car, pour une âme favorable,
Cent te condamneront au feu ;
Mais c'est ton but invariable
De plaire aux bons, et plaire à peu.
Ceux que la peur a révoltés
Diffameront tes vérités,
Comme fait I'ignorante lie :
Heureux livre qui en deux rangs
Distingue la troupe ennemie
En lâches et en ignorants.
"On dit qu'il faut couler les exécrables choses
Dans le puits de l'oubli et aux sépulcres encloses,
Et que par les écrits le mal ressuscité
Infestera les moeurs de la postérité ;
Mais le vice n'a point pour mère la science,
Et la vertu n'est pas fille de l'ignorance."
Cité par Baudelaire encore exergue des Fleurs du mal...
L’HYVER
Mes volages humeurs, plus sterilles que belles,
S’en vont ; et je leur dis : Vous sentez, irondelles,
S’esloigner la chaleur et le froid arriver.
Allez nicher ailleurs, pour ne tascher, impures,
Ma couche de babil et ma table d’ordures ;
Laissez dormir en paix la nuict de mon hyver.
D’un seul poinct le soleil n’esloigne l’hemisphere ;
Il jette moins d’ardeur, mais autant de lumière.
Je change sans regrets, lorsque je me repens
Des frivoles amours et de leur artifice.
J’ayme l’hyver qui vient purger mon cœur de vice,
Comme de peste l’air, la terre de serpens.
Mon chef blanchit dessous les neiges entassées,
Le soleil, qui reluit, les eschaulfe, glacées.
Mais ne les peut dissoudre, au plus court de ses mois.
Fondez, neiges ; venez dessus mon cœur descendre,
Qu’encores il ne puisse allumer de ma cendre
Du brazier, comme il fit des flammes autrefois.
Mais quoi ! serai-je esteint devant ma vie esteinte[1] ?
Ne luira plus sur moi la flamme vive et sainte,
Le zèle flamboyant de la sainte maison ?
Je fais aux saints autels holocaustes des restes[2].
De glace aux feux impurs, et de naphte[3] aux célestes :
Clair et sacré flambeau, non funèbre tison !
Voici moins de plaisirs, mais voici moins de peines.
Le rossignol se taist, se taisent les Sereines[4] :
Nous ne voyons cueillir ni les fruits ni les fleurs ;
L’espérance n’est plus bien souvent tromperesse ;
L’hyver jouit de tout. Bienheureuse vieillesse,
La saison de l’usage, et non plus des labeurs !
Mais la mort n’est pas loin ; cette mort est suivie
D’un vivre sans mourir, fin d’une fausse vie :
Vie de nostve vie, et mort de nostre mort.
Qui hait la seureté[5], pour aimer le naufrage ?
Qui a jamais esté si friant de voyage.
Que la longueur en soit plus douce que le port ?
(Petites Œuvres meslées.)
Avant que ma vie soit éteinte.
Sous-entendu, de ma vie.
Matière très-inflammable comme on sait.
Sirènes.
sûreté.