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Critique de MadameTapioca


Aucune question ne divise plus profondément les Américains que le débat sur les armes à feu. Il y a actuellement plus d'armes à feu que d'habitants aux États-Unis, et chaque jour plus d'une centaine d'Américains sont tués par balles et deux cents autres sont blessés. Ces chiffres sont si importants, si catastrophiques, si disproportionnés par rapport à ce qui se passe ailleurs, qu'il faut se demander pourquoi. Pourquoi l'Amérique est-elle si différente ?

Paul Auster essaye de comprendre et commence son texte par son histoire personnelle et les conséquences tragiques des armes qui ont marqué sa propre famille. Il agrandit sa réflexion à l'histoire de ce pays né dans la violence, des premiers colons aux guerres indiennes, de l'esclavage à la prohibition, des Black Panthers à la place de la NRA, de la naissance du capitalisme à l'ère Trump, sans oublier le fameux 2ème amendement de la constitution. Tout un héritage de de violence.

Il insiste sur le fossé philosophique qui sépare les pour et les contre, ceux pour qui c'est un dogme fondamental de la société américaine et ceux qui souhaitent y mettre fin. Ceux qui pensent que le problème vient des armes à feu et ceux qui pensent que ce sont les personnes qui les manient. Un fossé infranchissable qui empêche toute discussion, aucun des deux camps ne semble vouloir faire un pas. Dans ces conditions, Paul Auster est très pessimiste pour l'avenir. de l'école primaire Sandy Hook à Uvalde, de la First Baptist Church, de Sutherland au Pulse Night Club d'Orlando, aucune leçon n'a été apprise, aucune mesure concrète n'a été instituée. Tant de morts, tant de vies terminées, ruinées, interrompues, gâchées.

Il compare très justement l'automobile et les armes à feu, deux symboles des Etats-Unis et de la liberté. S'il y a eu des améliorations constantes et progressives de la sécurité routières au fur et à mesure que l'automobile se propageait (la naissance du permis, l'introduction de ceintures, etc.), il n'y a eu aucun prise de décision proportionnée au maniement croissant des armes à feu.

L'essai d'Auster est accompagné des photographies de Spencer Ostrander. Pendant deux ans, à travers tout le pays, il a pris en photo les sites des plus grandes fusillades de ces dernières années. En noir et blanc, ces clichés ne montrent rien de sanglant. Juste des lieux, vides, tristes, d'une banalité exemplaire. Rien ne les distingue d'autres écoles, d'autres églises, d'autres supermarchés. Ce sont pourtant des théâtres de sang.
En tant que français il est terriblement difficile de comprendre l'inébranlable attachement d'un pays au droit de porter une arme. Paul Auster nous donne quelques clés.
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