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Citations sur Malicia (6)

Juan Carlos est ce qui ressemble le plus à un frère pour moi. Nos mères se sont connues à l’église, à l’époque où maman y a assuré – brièvement – le catéchisme. Elle ne les aimait pas. Ni la mère ni le fils. Elle m’a demandé pourquoi je le fréquentais et si je pouvais m’en abstenir, ou du moins éviter de l’inviter à la maison. Moi, je préférais que ce soit lui qui vienne : je n’aimais pas aller chez eux. Élida, la mère de Juan Carlos, passait son temps à faire le ménage mais, je ne sais pas pourquoi, l’appartement faisait toujours sale, il n’y avait pas d’air et il faisait trop chaud. Cette bonne femme était constamment derrière nous et, à la moindre dispute, elle se pointait pour prendre la défense de son fils. « Pourquoi tu lui parles comme ça ? » « Moi, je trouve que Juan Carlos a raison… » Elle le voyait comme un dieu, bourré de talent, beau, fort, intelligent et, à la moindre occasion, elle laissait entendre qu’à côté de lui je n’étais qu’un gamin stupide et chétif.
Je ne l’ai jamais contredite, jusqu’au mariage. Ce jour-là, j’en ai eu marre de tenir ma langue, et j’avais peut-être trop bu. « T’as vu un peu mon Juan Carlos ? Le voilà marié, lui, ça y est, pourquoi tu fais pas comme lui ? Regarde-moi cette belle fête, et toutes ces jolies filles… » Elle m’avait tanné comme ça toute la soirée. Les gens du quartier n’avaient jamais tout à fait accepté cette femme célibataire, avec son fils de père inconnu. Ces vieilles biques de sœurs Roldán se cachaient l’une derrière l’autre pour fourrer des babioles dans leur sac. Il n’y avait pas grand-chose à voler, de toute façon. Juan Carlos était bourré, il courait après les deux vieilles pour danser avec elles sur la piste improvisée dans la cour. Perla était à l’autre bout de la maison, entourée de bonnes sœurs et de femmes avec des bébés dans les bras, mais elle ne parlait à personne. Papa essayait de convaincre maman d’arrêter de faire la tête. Elle ne voulait pas venir, décidément elle n’aimait pas les voisins.
« Et comment ça se fait que vous n’ayez pas invité le père de Juan Carlos ? » ai-je demandé à Élida. Elle s’est figée. « Histoire que les parents des copains ne soient pas obligés de se cotiser pour sa fête de mariage, et que le témoin ne soit pas un étranger … » La vieille s’est étranglée avec son sandwich et a dû courir chercher un verre d’eau. J’ai décampé en serrant les fesses, poursuivi par ses insultes.
« Lave-toi la bouche avant de parler ! Jaloux, va, t’es seul comme un chien, alors que mon fils a déjà une épouse ! »
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Une douce brise se levait. Mauricio vit alors sortir une silhouette qui fut très applaudie. La femme s’avança sur le perron, les bras levés. Elle portait un manteau en peau de léopard et des chaussures rouges. Elle demanda aimablement si la chasse avait été bonne. Mauricio se rappelait avoir vu son visage à la télévision et dans la presse : c’était Malicia. Elle devait avoir passé la cinquantaine mais n’avait pas la moindre ride, et aucune trace de lifting.
« Toi, tu es nouveau », affirma-t-elle en le montrant du doigt.
Mauricio acquiesça. Julio le présenta comme son invité.
« Si tu es avec Julio, considère-toi comme un ami de la maison, dit-elle en le prenant par la main pour le conduire à l’intérieur. Quant à vous, messieurs, vous connaissez le chemin.’
Les chasseurs leur emboîtèrent le pas.
Mauricio croyait se souvenir que le dernier spectacle de la star, Maliciosa, s’était terminé sur de scandaleuses accusations de satanisme et de pornographie, suite auxquelles Malicia s’était retirée du milieu « jusqu’à ce que le monde soit prêt » à la recevoir.
Ce moment n’était pas arrivé.
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Le théâtre Marshall fut lui aussi plongé dans le noir. Le personnel technique, muni de lampes de poche, vint se poster devant les issues de secours. Le public fit preuve de sang-froid et évacua la salle en bon ordre, sans céder à la panique. Chez les artistes, au contraire, la frayeur était palpable. Plutôt que de retourner dans les loges, ceux qui étaient sur scène préférèrent descendre et se mêler aux spectateurs pour sortir. Une certaine excitation s’empara des gens et l’atmosphère se détendit. Un employé annonça que l’incident était dû à une panne de courant dans la ville entière et qu’il n’y avait pas de quoi s’alarmer.
Tout le monde se rassembla dans le hall. Puis la petite foule quitta peu à peu le théâtre, décontenancée par ce qu’elle découvrait. Dans la rue piétonne, d’habitude illuminée, régnait l’obscurité. Tout l’électricité était concentrée dans le ciel zébré d’éclairs. Les contours des montagnes, au loin, ressemblaient aux ombres d’une radiographie.
À chaque coup de tonnerre, les gens couraient un peu plus vite dans la pénombre vers leurs leur hôtel. Et soudain, toute l’eau qui n’était pas tombée sur la ville depuis des mois s’y déversa furieusement, accompagnée de bourrasques et d’éclairs.
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Cette femme était une énigme. On aurait dit qu’elle répondait ce qui lui passait par la tête sur l’instant, que ce soit vrai ou pas. Sauf qu’elle ne mentait pas pour cacher la vérité, mais par manque total d’intérêt. Ils discutèrent quelques minutes des stars qui se produisaient en ville, ce qui avait l’air de la passionner. Elle lui avoua que, chez elle, elle passait des heures à écouter la radio et à feuilleter les magazines people. Mauricio espérait gagner sa confiance pour en savoir plus sur son intimité avec Juan Carlos : comment ils s’étaient connus, ce qu’ils avaient fait la première fois qu’ils étaient sortis ensemble, comment il avait fait sa demande en mariage et, avec un peu de chance, comment c’était question sexe. Il voulait vérifier si la version de Perla coïncidait avec celle de son ami.
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Juan Carlos aurait bien aimé avoir des yeux dans le dos, histoire de ne pas perdre sa femme de vue. Devant lui s’étendaient les montagnes et, plus près, des terrasses d’immeubles avec des piscines pleines de touristes, comme celle sur laquelle il se trouvait. Derrière lui, Perla demandait à Mauricio de lui mettre de la crème solaire. « Attends, je vais le faire », intervint Juan Carlos. Il rapprocha sa chaise longue. Mauricio s’écarta du couple et but une gorgée de la bière qu’il avait commandée sans en avoir vraiment envie. Elle n’était pas fraîche. Il remarqua dans un coin trois petites nanas qui le regardaient. Ôtant son polo, il alla s’asseoir au bord de la piscine, les pieds dans l’eau. Pour s’apercevoir qu’en fait ce n’était pas lui qui les intéressait. Elles souriaient à Juan Carlos, qui leur adressait des mimiques tout en étalant de la crème sur le dos de Perla.
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