Scintillements - Intégrale

La lecture est une expérience irremplaçable et le meilleur hommage à lui rendre est sans doute de parcourir ces pages en toute liberté, d'explorer les mondes et le cœur des personnages, aussi complexes les uns que les autres, de se ravir de la musique singulière d'un homme, d'un ami, dont les mots transcendent l'espace et le temps.

Pierre Bordage

- Être indépendant de tout pouvoir est une définition à peine métaphorique de la liberté, Léni.

Elle peut avoir vingt ans, elle n’en a sûrement pas vingt-cinq. Aussi étrange qu’elle paraisse, son élection spontanée comme premier magistrat de la seule vraie ville méligane ne peut pas uniquement s’expliquer par son apparence. À moins que les critères politiques des Paleans ne soient d’ordre purement esthétique.

Les mots existent, je crois, mais je ne les connais pas. Ils sont de ton ambroisie maintenant, la langue des imagos. Moi, je ne sais que dire : « Je t’aime. »

Je n’ai jamais aimé la nuit et encore moins les étoiles. Petit, je croyais qu’elles étaient ces imagos dont on me rebattait les oreilles, des millions et des millions d’yeux qui nous observaient, nous les Hommes, comme les Hommes nous observent, nous les enfants.

« Plus tard, vous serez adultes, apprend-on aux enfants, et plus tard encore, vous franchirez un nouveau cap de maturité pour devenir nymphe, puis imago. » Les enfants comprennent si bien qu’ils grandissent tranquillement et qu’ils font de très beaux adultes qui mûrissent tout aussi tranquillement. Moi je suis resté coincé quelque part entre l’enfance et l’adolescence, dans un monde qui se passe de toute responsabilité, jusqu’à celle de sa propre existence.
L’adolescent a peur de la mort, il devient adulte. L’adulte a peur de la vie, il devient imago. Moi, j’ai seulement peur de grandir.

Il existe un début et une fin à toute chose, mais ni commencement, ni aboutissement, juste une respiration : contraction, expansion, contraction, expansion. Le tout qui se fait et se défait est indépendant des riens qui le composent et qu’il transforme, toujours, sans annihiler. Depuis quand le savions-nous ? Depuis quand l’observions-nous à toutes les étapes de la cosmogonie ?
De l’infiniment petit à l’infiniment grand, le fini s’organise pour évoluer, pour se transcender, pour infinir. Et nous nous sommes crus différents. Nous avons prétendu être achevés, poussant l’arrogance jusqu’à promouvoir nos limites comme l’expression d’une merveilleuse fatalité. C’était la mort qui nous rendait supérieurs.

S’il vous arrivait, dans vos pérégrinations, de fréquenter d’un peu trop près une jeune femme belle, directe et experte, méfiez-vous de l’idée stupide qui consiste à penser que le plaisir suprême est un orgasme partagé.

Je t’aime comme tes lettres disent que tu m’aimes, plus que je n’ai osé l’écrire, plus que nous ne l’avons vécu, mais qu’aimons-nous vraiment l’un de l’autre ? Moi je sais par tes mots, par la médiatribation de tes recherches et par nos amis qui t’ont suivi, que, si tu as grandivolué, tu es resté le même. Mais toi ? Que connais-tu de moi aujourd’hui ?
Ne promeste pas, je te désenchangerai aussi sûrement que ces mêmes amis m’évictent. Et je ne suis pas persuadée d’avoir consergavé suffiablement de forces pour te reconquérir.
Tout ce que je veux donner pour toi est peut-être insufficient.
Il fallait que ce fût dit.
 
Miel, ne me désaime pas.