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Critique de batlamb


Ces nouvelles sont dans l'ensemble régies par la logique du merveilleux (des phénomènes invraisemblables acceptés de tous) et ancrées dans le quotidien de la France des années 40. Elles s'avèrent parfois si acides que j'ai envie de les qualifier de « règlements de contes ». L'auteur met en scène des personnages médiocres, souvent mesquins et étroits d'esprit, qui auront parfois la chance de voir le merveilleux les émanciper et les rapprocher paradoxalement de l'humanité : ils cessent alors de se comporter comme des êtres veules et se prennent même à rêver et à faire preuve d'héroïsme. Une métamorphose dans le sens inverse de celle de Kafka. Derrière son cynisme, Aymé est un optimiste qui ose espérer des jours meilleurs pour l'humanité, libérée des ravages de la bêtise en général et de la guerre en particulier : la réalité de l'occupation allemande imprègne des nouvelles comme « La carte » et « Le décret », qui distordent la temporalité pour la faire échapper à la sombre époque des rationnement et des privations, vers un espace où l'on retrouve l'espoir d'une vie heureuse. Il s'agit sans doute aussi d'une réponse humoristique à l'ébullition intellectuelle provoquée dans la première moitié du XXème siècle par les théories sur la relativité du temps.

De mon point de vue, la meilleure nouvelle est incontestablement « Les Sabines », où Aymé pousse jusqu'aux dernières extrémités son idée folle d'une femme dotée du don d'ubiquité, capable de vivre sa vie à travers une infinité de copies d'elle-même, et de conquérir tant d'amants qu'elle pourrait s'écrier : « Je suis partout ! ». de quoi faire les gros titres, à n'en point douter.

Toute l'humanité en prend ici pour son grade, réunie par une universelle idiotie, que les nouvelles « Le proverbe » et « En attendant » révèlent dans ce qu'elle a de plus pathétique, au point que j'ai trouvé leur lecture assez désagréable.

Séchez vos larmes : la nullité n'est pas une fatalité. Car la mort en délivre bien vite, comme ce soldat débauché et cette vielle bigote de la « Légende poldève », qui entrent ensemble au paradis dans une scène préfigurant un peu l'esprit Hara-Kiri / Charlie Hebdo. de l'humour corrosif et irrespectueux bien de chez nous. Malgré son patronyme charmant, Aymé donne volontiers dans le cynisme, tout en apportant à ce registre une élégance glacée et sophistiquée, où la tendresse n'est pas si loin : c'est dans un quotidien misérable où les rêves subsistent que Aymé manifeste le plus de sympathie pour ses héros boiteux, comme achève de le prouver sa variation sur les « Bottes de sept lieux ». Un recueil qui fait voyager, tout en donnant une image de son temps.
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