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Critique de berni_29


Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni ! » de nouveau, les enfants ont crié à l'unisson ces quelques mots comme un cri de ralliement.
J'ai prévu aujourd'hui de parler d'une histoire qui convoque les animaux. La petite Sylvie nous avait indiqué la dernière fois qu'elle voulait absolument apporter ce mercredi-ci son animal de compagnie. C'était sa manière à elle de bien s'intégrer dans la classe et c'était donc l'occasion rêvée d'accepter son initiative. La maîtresse d'école Sandrine, a tout de même vérifié auprès de l'inspection d'Académie si cela ne posait pas de problème.
La petite Sylvie s'est avancée au milieu du cercle en présentant un petit sac en jute qu'elle a commencé à dénouer. « Salut les poteaux, aujourd'hui vous allez faire connaissance avec mon meilleur ami Kama, c'est un élaphe.»
Le petit Pat a alors fait un geste ample avec son bras qui ondulait depuis le milieu de son visage, semblant étirer une sorte de trompe invisible. La petite Chrystèle a haussé les épaules d'un air moqueur à son encontre : « Mais non, ce n'est pas un éléphant dans un si petit sac. Oh, celui-là, je vous dis ! »
Le sac s'est ouvert et nous avons vu la tête d'un reptile surgir avec sa langue pointue. Les élèves ont été impressionnés. Certains ont même reculé d'effroi en faisant des petits cris d'affolement. La petite Fanny s'est mise à pleurer, tandis que Sandrine la maîtresse s'empressait d'aller la réconforter.
« Faut pas avoir peur, les poteaux, il est pas méchant, mon Kama ». La petite Sylvie a tendu sa main et le reptile est venu s'enrouler sur son bras, comme autour d'une branche. « Il est même très affectueux ».
Le caméléon du petit Paul n'en revenait pas. Observant la scène, ses yeux sortaient de ses orbites et il a pris aussitôt la couleur de l'amitié.
« Est-ce qu'il mange du chocolat ? a demandé la petite Doriane, curieuse.
- Et pourquoi pas du nougat de Montélimar ou du caviar, tant qu'à faire ?! s'écria la petite Sylvie d'un petit rire espiègle. Mais non, il mange des souris et des oiseaux, comme tous les élaphes. »
Il y a eu des exclamations offusquées dans l'assistance, de dégoût presque. « Eh bien ! fit la petite Sylvie comme pour banaliser la chose, c'est comme les chats, non ? »
Tandis que Kama allait se blottir sur les épaules de la petite Sylvie, j'en ai profité pour avancer vers mon auditoire.
« Les enfants, tout ceci tombe à pic, aujourd'hui, je vais vous faire découvrir un livre de contes où beaucoup de personnages sont des animaux et que j'ai découvert quand j'étais en classe de CE2, j'avais donc votre âge. En ce temps-là le jour de repos n'était d'ailleurs pas le mercredi mais le jeudi. »
- Oh ! C'était il y a très longtemps alors, soupira la petite Anne-Sophie.
Je ne sais pas pourquoi, j'ai senti que tous les enfants brusquement me regardaient de la tête aux pieds comme si j'étais devenu un vieux Monsieur, alors que non, vous le savez bien, ce n'est pas vrai, hein ... ?
J'ai montré le livre aux enfants. Un vieux livre de poche tout froissé.
« Oh ! Il n'y a pas d'images dans ton livre, fit le petit Jean-Michel d'une moue un peu dépitée.
- Les images, nous allons les inventer tous ensemble en découvrant une première histoire.
Le livre s'appelle Les contes du chat perché. Celui qui a écrit ce recueil de contes s'appelle Marcel Aymé.
« Pourquoi le titre du livre s'appelle comme ça ? a demandé la petite Isa d'un air étonné.
Tout d'abord, le premier personnage principal de ce livre est un chat. Mais vous savez, chat perché c'est aussi un jeu qu'on joue dans la cour de récréation. »
Tous les enfants m'ont regardé comme si j'étais devenu un extra-terrestre.
La maîtresse d'école, avec bienveillance, a cru bon alors de préciser : « Tu sais, Bernard, les enfants ne jouent plus à ce jeu de nos jours. » Décidément, si Sandrine s'en mêlait elle aussi...
J'ai vite changé de sujet : « Un jour, l'auteur de ces contes a dit qu'il avait écrit ces histoires pour les enfants âgés de quatre à soixante-quinze ans.
- Des enfants de soixante-quinze ans ! pouffa la petite Francine morte de rire. C'est mon papi qui va être content d'apprendre ça. »
J'ai poursuivi.
« Tous ces contes mettent en scène deux soeurs, Delphine et Marinette. Leurs parents tiennent une ferme où il y a plein d'animaux. Et ces animaux parlent dans les contes. Delphine est la plus grande et Marinette la plus blonde. Ces deux soeurs sont inséparables l'une de l'autre, elles sont complices pour faire parfois les quatre cents coups... »
Alors, on a vu la petite Doriane et la petite Nico sortir du rang, se dandiner, se taper dans les mains sous les acclamations de leurs petits camarades. C'était comme un numéro de duettistes mille fois rodés sous les projecteurs.
J'ai rajouté : « Marinette est quand même moins sage que Delphine ». Là, tous les enfants ont ri et j'ai bien senti qu'il serait très dur de départager les deux petites complices qui se trémoussaient devant moi.
Je vais vous raconter la première histoire, elle met en scène le chat de la ferme, Alphonse.
Après avoir fait tomber un vase auquel leurs parents tenaient beaucoup, Delphine et Marinette doivent, en guise de punition, rendre visite à l'affreuse tante Mélina, une horrible femme ne pensant qu'à rendre la vie dure aux deux petites. En plus, tante Mélina pique la peau douce des petites filles, car il faut bien vous l'avouer, la tante Mélina a un peu de barbe sous le menton.
Delphine a alors une idée pour se sortir de ce mauvais pas : le chat de la ferme, Alphonse, doit passer sa patte derrière son oreille pour faire pleuvoir le lendemain. »
J'ai alors fait une petite pause pour interpeler les élèves. « N'avez-vous jamais remarqué que lorsqu'il va pleuvoir, les chats passent un de leur patte de devant derrière l'oreille lorsqu'ils font leur toilette. C'est un signe qui ne trompe pas. Mais ici, ce qui est drôle dans cette histoire, c'est justement le contraire : c'est le chat qui volontairement, à la demande des deux petites soeurs espiègles, passe sa patte derrière son oreille afin qu'il pleuve.
Hélas, les parents, loin d'oublier la punition, ne voient la pluie que comme un léger retard et Alphonse n'a d'autre choix que de continuer sans cesse et sans cesse pendant plusieurs jours. Les parents finissent par comprendre que leur chat n'est pas pour rien dans ce déluge continu qui les empêche de se rendre aux champs, et ils décident de se débarrasser du gênant félin... »
J'ai alors vu devant moi des visages emplis brusquement de tristesse et d'effroi. Même le caméléon du petit Paul, même l'élaphe de la petite Sylvie, semblaient figés dans un silence glacial.
Heureusement l'histoire finit bien, grâce aussi d'ailleurs à la complicité des autres animaux de la ferme.
Je sentis un grand soupir de soulagement dans l'assistance et je conclus par la dernière phrase du conte :
« La semaine suivante, il y eut encore un heureux événement. Ayant eu l'idée de raser sa barbe, la tante Mélina avait trouvé sans peine à se marier et s'en allait habiter avec son nouvel époux à mille kilomètres de chez les petites. »
Les enfants ont applaudi à l'idée de cette nouvelle réjouissante.
Tous ces contes mettent en scène la vie pleine de rebondissements, d'ironie et parfois de cruauté, au sein d'une ferme. Les parents de Delphine et Marinette sont rudes avec les animaux, n'ont aucune pitié, parfois les battent. Et puis ils les mangent ou ils les vendent. La plus grande différence entre ces parents et leurs deux filles est bel et bien leur relation avec les bêtes : les fillettes voient chacun d'entre eux comme des amis et les défendent régulièrement contre leurs parents. C'est source d'histoires parfois cocasses, parfois tristes...
Je suis sûr que certains lecteurs d'entre nous se souviennent de ces contes qui prennent avec malice et ironie le contrepied des contes classiques. Y a-t-il une morale dans ces textes ? Ce n'était pas forcément le but avoué de Marcel Aymé. Cependant l'innocence des deux fillettes jouant de complicité avec les animaux, y trouvant du réconfort et une source d'inspiration face à un monde d'adultes indifférents et cruels, est une idée qui me séduit.
Pour conclure la matinée, j'ai ajouté : « il y a même dans ce livre une histoire avec un loup qui sort des sentiers battus. C'est d'ailleurs ce conte qui m'a été raconté sur les bancs de l'école, à votre âge.
- J'espère qu'il est gentil ton loup dans cette histoire, camarade », dit la petite Gaëlle en scrutant mon visage, le visage grave.
- Disons qu'il y met beaucoup de volonté pour l'être ou le devenir.
- Moi je connais une histoire avec le loup en slip », a dit la petite Domm. Évidemment, sa remarque a emporté la classe dans un grand éclat de rire.
Alors, la petite Anna a demandé si la fois prochaine elle pouvait apporter en classe son gecko. Je me suis alors éclipsé sur la pointe des pieds tandis que plein de mains étaient tendues vers Sandrine la maîtresse d'école, tous ces enfants suppliant celle-ci de répondre favorablement aux sollicitations de chacun d'entre eux, car chacun avait un animal de compagnie, que dis-je ! un ami qui méritait, autant que Kama l'élaphe de la petite Sylvie, d'être mis au-devant de la scène...
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