J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur qui emploie dans son récit les tournures de phrases que l'on pouvait trouver chez les auteurs du XVIIIème siècle. Cela nous permet de plonger encore plus dans l'histoire de
Suzon car on a l'impression que l'histoire a été racontée par l'un de ses contemporains.
Dès le début de l'histoire, on apprend deux choses sur
Suzon : son père lui reproche de n'être qu'une fille et c'est une forte tête.
Rebelle, garçon manqué, insolente, rien, ni les punitions, ni les brimades ne semblent pouvoir la faire plier. Expédiée au couvent sur les instances de sa belle-mère, les religieuses n'ont pas plus succès que le patriarche sur le caractère de la gamine.
C'est au couvent que
Suzon va rencontrer Ederna qui a été mon personnage préféré du roman. Posée et plus conventionnelle que son amie, Ederna a aussi son petit caractère mais sait où est le devoir qu'elle doit à son rang et s'est résignée à faire un mariage dépourvu d'amour. Tout au long des aventures de
Suzon, elle sera un peu son point d'ancrage. Sa maison, son époux, son frère, ses enfants, sont le cocon dans lequel
Suzon se sent en sécurité et là où elle retourne à chaque fois qu'elle est confrontée à quelque chose de trop difficile. Ederna ne lui reproche jamais rien, ou quand elle le fait, c'est à demi-mot, avec douceur et sans jugement. J'ai vraiment beaucoup aimé ce personnage et sa famille. Plus que
Suzon que j'ai souvent trouvé inconséquente avec sa façon d'agir avant de réfléchir et de prendre des décisions en dépit du bon sens.
Au début,
Suzon ne se travestit en homme que pour pouvoir voyager en sécurité, le temps de rejoindre Ederna. le travestissement peut la conduire en prison et, si on peut comprendre qu'elle n'ait pas osé prendre la route avec des biens précieux en tant que femme, on se serait attendu à ce qu'elle ne tente pas le sort en recommençant.
Mais non, à peine arrivée à Saint-Malo,
Suzon est prise par l'appel du large et, toujours sous sa fausse identité masculine, elle affrète un bateau pour aller jouer au corsaire, risquant ainsi sa propre vie (une femme s'embarquant comme homme sur un bateau risquait la peine de mort) et celle de son entourage (tout homme sur un bateau soupçonné d'avoir eu connaissance de la nature féminine d'un « matelot » est condamné à être pendu).
A travers les péripéties de
Suzon, on découvre la vie en mer. La dureté des capitaines, la dureté impitoyable des éléments et des hommes : quand on ne meurt pas empoisonné par de la viande avarié ou durant une tempête, on a toutes les chances d'être frappé par une punition injuste dont l'issue est souvent la mort.
A côté de la vie en mer, on a un aperçu des débuts du règne de Louis XV, du commencement de la traite des nègres, à laquelle s'opposent déjà les philosophes, les salons parisiens, la piraterie…
Le roman se lit assez vite, même si la lecture est quelque peu ralentie par l'abondance de détails historiques qu'il faut le temps d'assimiler.
J'ai eu peur à plusieurs reprises, non seulement pour
Suzon mais aussi et surtout pour son entourage qui n'est pas épargné.
La fin du roman prépare le suivant qui sera consacré à la génération suivante en la personne de
Louise, la fille de
Suzon.