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Citations sur Zonzon Pépette : Fille de Londres (13)

LE VASE BRISÉ  
Il y a des jours : qu’on mette sa main à droite, qu’on mette sa main à gauche, c’est partout dans la merde. Ce matin, un beau vase qu’elle aimait, Zonzon voulait le changer de place et vlan ! le vase s’ouvrait en six morceaux, par terre.
Cet après-midi, un type lui promet :
– Yes, je te donnerai six couronnes.
Et au lieu de six, il n’en lâche que trois.
Et voilà qu’à l’instant, dans cette petite rue, pour aller au Cercle, elle rencontrait qui ? Cette vieille bique, ce sale chameau, cette putain à perruque de Betsy l’Angliche.
Zonzon, on s’en souvient, détestait Betsy. Depuis l’histoire du portefeuille surtout ! Et puis l’Angliche était trop maigre, maigre à dire que son derrière ressemblait plus à une assiette qu’à un véritable derrière. Si c’est pas dégoûtant ! Et puis pendant des mois, elle avait été la môme à D’Artagnan qui ne voulait pas de Zonzon, et puis elle avait des dents en toc, et puis s’il fallait dire tous les « pourquoi » on déteste les gens. Il y en avait un pourtant, mais celui-là, elle ne le disait guère : c’est qu’on lui avait dépiauté son Gustave et qu’on l’avait dépiauté juste après l’histoire du portefeuille, pendant le temps que cette garce vivait avec ce D’Artagnan qu’elle ne supportait pas.
Alors, après des semaines sans la voir, la rencontrer un jour à merde, et dans cette ruelle où il y avait à peine de la place pour une seule : mille dieux, son sang ne fit qu’un tour.
Sale Angliche ! De près, elle lui parut encore plus maigre.
Zonzon se campa :
– C’est-y pour te fiche de moi que tu te mets en travers de ma route ?
L’Anglaise ouvrit sa bouche toute remplie de fausses dents :
– How ?
Quoi How ? Les mains de Zonzon partirent toutes seules lui apprendre, par le cou, à répondre « how ». Elle serra une bonne fois.
– C’est-y, recommença Zonzon, pour te fiche de moi ?…
– No !
Quoi No ? Zonzon serra une nouvelle fois :
– Alors, c’est-y pour te fiche de moi ?
Cette fois l’Anglaise, sans répondre, ouvrit plus grande la bouche, ce qui rendit Zonzon encore plus furieuse :
– Chameau, c’est-y à manger ton foin que t’as avalé ton râtelier ?
Et une fois pour les autres, ce que Zonzon avait sur le cœur, Zonzon le vomit par la gueule.
Sale Angliche ! Que c’était de sa faute que Zonzon avait brisé son vase : vlan ! Zonzon l’étendait par terre comme ce vase.
Que c’était sans doute ce salaud de D’Artagnan qui l’avait rendue si plate… vlan, Zonzon lançait le poing où elle était si plate…
Que c’était une honte de montrer aux gens un si maigre derrière… vlan ! son pied dans ce derrière.
Et puis, qu’elle était une rosse… Et puis qu’elle était une sale bête… Et puis qu’elle savait bien quelque chose, que D’Artagnan avait eu son tour et que si elle ne foutait le camp tout de suite, Zonzon l’emmerderait pour de bon à travers sa sale gueule.
Elle allait le faire.
Et voilà, tout à coup, à se laisser secouer, à être trop molle pour se défendre, l’Angliche, poussant un drôle de « How », se mit à tousser, puis cracha un de ces machins rouges, comme en crachent les malades prêts à crever. Zonzon ne s’attendait pas à cela. Elle examina Betsy. Elle comprit pourquoi, avec des joues si creuses, on a un derrière qui ressemble à une assiette et quelque chose remua dans son cœur. Tant pis : à cause de Gustave, elle avait « un chameau » sur la langue. Elle dut le sortir :
– Betsy, fit-elle, c’est moi l’chameau !
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Elle a trouvé sa formule, c'est son mantra, Zonzon elle emmerde tout le monde, parce que tout le monde l'emmerde et parce qu'elle s’ennuie sans arrêt. (...)

"Je t'emmerde" : c'est un moyen pour elle de retrouver sa liberté. Elle a tout le vocabulaire qu'elle pourrait avoir mais elle a trouvé sa formule, celle qui va la définir le mieux et qui va définir surtout le mieux son rapport au monde.
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Il y a des jours : qu’on mette sa main à droite, qu’on mette sa main à gauche, c’est partout dans la merde.
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Puis merde pour lui, merde pour Betsy, merde pour nous ; elle colla sa jupe sur le voyeur de la porte et s’endormit sur sa paillasse. ☇ En ce temps, ce n’était pas, à Londres, comme c’est devenu depuis : pas ce qu’on appelle les mœurs, pas de cartes, pas ces chichis de Saint-Lazare qui vous ennuient à Paris. Le matin on vous menait devant un juge. Il disait : « Dix shellings ! », on payait, puis on recommençait. ☇ Cela se passa le lendemain. Seulement sa nuit l’avait tellement abrutie qu’elle n’aurait jamais su dire si ce fut dans la prison ou si l’on prit une voiture. ☇ P’tit homme se trouvait dans la salle. On l’avait averti. De la main, il fit signe « à tantôt » et qu’il n’était pas furieux. Alors elle s’en ficha. Elle laissa parler l’agent, elle laissa parler le juge. Il avait une dent en or. Elle pensa :
– Avec ta dent, tout ce que tu voudras, ce ne sera quand même que dix shellings.
Il finit en effet :
– Ten shillings.
Comme elle n’avait pas d’argent, P’tit homme dut courir en chercher au dehors. Cela dura un peu. ☇ Il était à la sortie. Avant toute autre chose, il dit : – Bin vrai ! C’est la première fois que je casque pour une môme.
Ce n’était pas sérieux. Quand c’est pour l’amende, on sait bien : l’homme peut casquer –
sans déshonneur.
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L’ALLUMETTE PREND FEU Ce fut un mois d’octobre, à l’époque où la France rappelle ses jeunes classes. Joseph, qui avait ses raisons, quitta Grenelle et débarqua à Londres. Il n’en était pas à son premier voyage. Il avait importé déjà, à l’intention des fondeurs, pas mal de babioles. Mais, cette fois, il arrivait pour du bon et amenait sa môme. Il se rendit au Cercle, il dit :
– Messieurs, je vous présente ma môme Zonzon Pépette.
On répondit : – Ah ! Ah ! Zonzon Pépette.
Et tout fut dit. ☇ Pour le moment, Zonzon Pépette souffrait d’une sacrée jaunisse. Ca la rendait jaune des joues, jaune des mains, jaune de tout ce que de sa viande, elle cachait sous sa jupe. Elle en était fort laide. Même que le grand François, qu’on appelait l’Allumette, après avoir dit comme les autres : « Ah ! Ah ! Zonzon Pépette », se moqua pour lui seul :
– Zut ! La môme à Joseph, elle a une peau d’orange !
Ce qui survint, par la suite, ne lui survint que lentement. Bien pendant huit jours, il ne pensa plus autre chose que :
– Zut, la môme, elle garde sa peau d’orange.
Il avait d’ailleurs à choyer sa môme à lui, une gentille blonde, leste au trottoir et douce, son Tendre Mouton comme il disait, dix fois par jour à bêler :
– Chéri, on s’aime ?
Mais voilà qu’un soir il s’avisa que cette Zonzon avait des joues non plus de jaunisse, mais rouges et tendues, on aurait dit des pommes. Et pas seulement des joues, mais des seins qui tenaient leur place, une bouche qui devait en connaître des choses ! et un fessart acré ! à fatiguer, à lui tout seul, son homme. ☇ Nom de Dieu ! Ça lui entra dans la chair comme une flamme. Le lendemain ça y restait. Et encore plus, les autres jours. Il flambait, François, il voulait la Zonzon, à n’en plus dormir, à s’en gratter où ça le cuisait, à en tanner, pour se distraire, le cuir à sa Lisette, son Tendre Mouton comme il disait, dix fois le jour à bêler :
– Chéri, on s’aime ?
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AU CERCLE Tout marcha bien. Le type, un gros Angliche, lui donna deux guinées et ne se rhabilla pas si vite qu’elle n’eût auparavant le temps de lui chiper son portefeuille. Elle lui laissa montre, parce que, demain, il y aurait encore des montres. Son coup fait, elle pensa, comme au temps de Paris :
– Salaud, je t’emmerde.
Elle n’eut pas à remettre de chapeau ; elle n’en mettait jamais. Un coup de pouce au chignon, un coup de poing à la jupe, les mains au tablier où sont les poches, puis en route. ☇ Dans la rue, elle se dépêcha pour rejoindre son homme. Quand il ne la suivait pas, elle savait où le trouver : au Cercle, avec les copains. En chemin, près de la Tamise, elle rencontra le policeman qui, un jour, l’avait coffrée ; lui ou un autre. Comme elle marchait vite, il ne pouvait rien lui dire. Elle avait, pour les flics, des idées très précises. Elle tourna la hanche :
– Toi, je t’emmerde !
Ouf ! Ce qu’elle suait dans ce cochon de Londres ! Dans ces ruelles, les gens couchaient par terre, et pas tous sur des paillasses : il y avait des hommes avec des femmes, des vieux, des jeunes, des nichées de pauv’gosses. Cela puait le poivre. Cela puait aussi comme dans une chambre après l’amour. Elle constata ce qu’elle constatait tous les jours : que beaucoup de ces femmes étaient jeunes, avec de bonnes cuisses et de cette chair encore verte qui plaît aux hommes. Elle pensa :
– Sont-elles bêtes, quand il y a tant de types.
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Devant tous, elle lui passa les guinées puis, sous la
table, le portefeuille : voir ce qu’il renfermait. Elle ne
l’avait pas ouvert, elle n’eut pas ouvert un portefeuille
sans son homme : c’est pas honnête.
Mince ! Ce qu’il y en avait des banknotes ! Il les
compta, les plia dans sa poche. Elle fut si contente qu’elle
dût crier :
— P’tit salaud, je t’emmerde !
Comme ils étaient riches, ils payèrent aux copains une
tournée : d’abord de ce qu’on voulut, puis une seconde :
— Du gin pour tout le monde !
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où elle était saoule. Mais d’abord, elle eut à parler de sa main : elle l’ouvrit toute grande pour montrer qu’en ce temps elle était moins forte, quand même forte assez pour flanquer ses cinq doigts à travers la figure d’un Monsieur qui veut vous prendre alors qu’il y a là une ruse de Madame, puisqu’elle les avait laissés seuls et que le lendemain, d’autres jours, elle les laissa de nouveau seuls.
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Il en fut, sans trop savoir, à tenir par la gorge une femme qui avait du poivre dans les yeux. Dites, que se passe-t-il dans les yeux d’une femme qu’on étrangle pendant qu’elle a du poivre dans les yeux ? Il finirait bien par voir, il se pencha, il fut tout sur elle ; il en vint ainsi à sentir ce quelque chose de bon comme s’il eût été en amour avec elle ; il pensa : Tant que j’y suis, et sous le peignoir bleu, il fut en amour avec elle.
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Ils décampèrent. Il avait d’abord étouffé la lampe – simplement comme la vieille.
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