Ce dîner est une réussite. Parce que les émotions sont exacerbées, tout le monde passe du rire aux larmes. [Les ex] parviennent à mettre de côté leurs différends et leur rancune. [...] A peu de choses près, on peut retrouver dans le couple de ce soir celui de la photographie, quand les deux tourtereaux posaient, ivres de bonheur, au début de leur idylle. [Les filles], qui avaient oublié que leurs parents, un jour, s'étaient aimés, oublient à présent qu'ils ne s'aiment plus. A la table d'à côté, une jeune femme et un jeune homme les considèrent avec envie : plus tard, on sera comme eux, on aura des enfants beaux comme le jour et on sera heureux. S'ils savaient...
V. est de ces gens qui aiment prononcer des phrases à double sens. Qui aiment susciter le trouble chez leurs interlocuteurs. Il n'est pas méchant. Au contraire, il est même plutôt sympathique, malgré l'introversion qu'il cultive. Ce garçon-là est une énigme, y compris pour les autres membres du groupe. Le peu de mots qu'il prononce paraît être savamment pesé. Il semble ne rien laisser au hasard, jamais.
[...]
Le fait qu'il parle peu, et jamais pour ne rien dire à la différence des autres adolescents qui passent leur temps à plastronner et à jacasser, le rend plus intéressant à leurs yeux.
(p. 287-288)
Coline est mortifiée. Elle glisse ses doigts dans la grande pogne de son papa, se laisse emporter comme un kleenex tristounet dans la classe bourdonnante.
Dépérir à force de m'encroûter. Pourrir sur pied comme un plant de tomates malade d'avoir été oublié par les rayons du soleil.
"C'est cool ..." et le vent balaie les mots qu'elles ne trouvent pas.
Jessica, et l'ennui mortel qu'elle trimballe d'une rue du Quesnoy à l'autre. Jessica, comme enfermée dans cette ville où les existences se ratatinent, où les gens renoncent à leurs rêves. Où tout est rouille et anthracite. Jessica se languit, son temps se gâche dans l'attente d'un hypothétique avenir.
Elle ne pensait pas qu'elle retrouverait un jour ses réflexes d'adolescente fleur bleue. Surtout pour un type qu'elle ne connaît ni d'Eve ni d'Adam. Être mère et mariée n'a manifestement pas entamé sa propension naturelle à devenir un coeur d'artichaut.
Alors, voilà : Coline est solide, Jessica moins ; Coline répare quand Jessica détricote ; Coline pardonne quand Jessica commet.
Elles sont deux. Et le couple des parents peut bien s’écrouler, à elles deux, elles ont de quoi s’abriter. C’est sûrement une chance…
(...) Thierry égraine les excuses dont il essaie de se convaincre en même temps qu'il les énonce.
D'abord saisie par le contact de l'eau, piquée de part en part par le liquide qui s'infiltre sous ses vêtements alourdis, elle a accepté de ne plus se contrôler et de s'enfoncer.
Ses cheveux blonds voguent autour de sa tête, comme un soleil. Ses bras et ses jambes tombent doucement en suivant la courbe de sa gorge, de son ventre, de son bassin. Tout est lent, la glissade est délicieuse.