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Critique de SergentPoivre


Si je m'étais plongé dans Illusions perdues vers mars 2020, au moment où j'ai décidé de consacrer l'essentiel des cinq ou six années à venir à la littérature du 19e siècle, soit pour relire certains oeuvres (notamment De Maupassant et de Zola), soit pour combler de nombreuses et graves lacunes, j'en aurais peut-être abandonné la lecture. Ce qui ne surprendra probablement personne : Balzac est un des romanciers français du 19e parmi les plus « abandonnés » (j'ai moi-même laissé tomber Eugénie Grandet il y a quelques années, tant je finissais par trouver le texte indigeste et austère). Son réalisme l'entraîne parfois dans des descriptions longues et éminemment détaillées qui peuvent tout à fait rebuter ou ensuquer un lecteur insuffisamment déterminé à l'ascension (ce que j'étais). D'autre part, un roman De Balzac n'est jamais seulement un roman, un récit mêlant le réel et l'imaginaire. Ceux qui, comme Illusions perdues, appartiennent à La Comédie humaine (90 titres !) se veulent également étude des moeurs et de la société, historiographie et, puisqu'il y est souvent question de principes, ils ont aussi une dimension philosophique. Chaque roman de la Comédie humaine, bien qu'ils puissent tous se lire de manière indépendante, a été pensé non comme un objet distinct et fini qui pourrait éventuellement se permettre le luxe d'une relative superficialité mais comme un élément d'un vaste édifice qui dirait toute une époque et tout d'une époque.
Bref, Balzac (comme Stendhal) est un écrivain exigeant qui demande que le lecteur de l'an 2023, avant de s'acclimater enfin, s'astreigne à une certaine application, fasse preuve d'une certaine abnégation. On n'entre pas chez Honoré comme on entre dans une Despentes. le passage est nettement plus étroit (oui, je sais : c'est un coup bas.)

Pour me rapapilloter avec ce Balzac qui, au fil des tentatives, m'avait plus souvent mis en déroute que conquis, j'ai donc attendu d'être plus aguerri à la littérature du 19e mais j'ai également passé en revue tous les titres de la Comédie humaine et soigneusement sélectionné le pré où se tiendrait la nouvelle rencontre. Mon choix, pour plusieurs raisons, s'est très vite porté sur Illusions perdues : nombre de critiques et d'auteurs (dont Marcel Proust) le tiennent pour un des meilleurs romans De Balzac (à défaut d'être un des plus faciles), l'action se déroulant à la fois à Angoulême et à Paris, il constitue une introduction idéale à deux volets importants de la Comédie humaine (Scènes de la vie de province et Scènes de la vie parisienne), il traite du mal du siècle (les progrès et le matérialisme bourgeois, vecteurs de banquisme et d'impostures, entraînent compromissions, déliquescence, malaise, vide spirituel), il se penche sur le monde littéraire (auteurs et éditeurs) et les débuts du journalisme putassier, il nous fait pénétrer dans diverses sphères de la société (aristocratie, bourgeoisie, demi-monde, etc.), il parle de politique (et, donc, d'un pan de l'histoire de France, notamment la rivalité entre les libéraux et les royalistes aux temps de la Restauration), d'usure, de capitalisme (avant Marx), de justice et de droit, etc.

Et ce fut enfin un succès, un bonheur ! Une rencontre dont l'auteur et le lecteur sortent tous deux vainqueurs : l'un a conquis et l'autre est plus que probablement balzacisé de manière irrémédiable.
À moi maintenant La Comédie humaine !
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