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Critique de Lamifranz


Avant d'être le roman que nous connaissons aujourd'hui, « le Colonel Chabert » a connu deux autres avatars : la première version (1832) s'intitulait « La transaction » ; la deuxième (1835) avait pour titre, de façon plus explicite « La Comtesse à deux maris », enfin la version définitive (1844), incluse dans les « Scènes de la vie privée » porte pour la première fois le nom du personnage central « le Colonel Chabert ».
« le Colonel Chabert » est l'histoire d'un revenant. Comme « Monte-Cristo » qui curieusement sort la même année (1844). Mais leurs destins sont tout à fait divergents : Monte-Cristo revient pour se venger. Chabert revient pour réclamer son dû. le premier finira par avoir gain de cause. le second connaîtra un sort plus tragique.
Hyacinthe Chabert est un colonel d'Empire, officiellement mort à la bataille d'Eylau (1807), sa veuve Rose Chapotel, une ancienne fille de joie, hérite de sa fortune, et épouse un aristocrate, ancien émigré, qui veut se lancer dans la politique. Mais voici que Chabert reparaît à l'étude du notaire Derville. Malgré le caractère pour le moins exceptionnel de cette affaire, le notaire accepte de s'en charger. Bien entendu la comtesse ne veut rien savoir. On peut la comprendre, accepter officiellement le retour de son mari légitime signifierait sa ruine. D'un autre côté l'accepter officieusement comporte aussi des risques, les ex soldats de l'Empire n'étant pas bien vus sous la Restauration. La comtesse joue un double jeu devant son ex-mari. Mais celui-ci, qui surprend la vérité au détour d'une conversation, se drape dans sa dignité et renonce à tout. Il finit à moitié fou dans un asile. le notaire, écoeuré, quitte la capitale.
Balzac signe ici un de ses meilleurs romans : à la fois roman de moeurs et roman historique, il propose quelques portraits saisissants, et dresse un tableau cynique et désabusé de la société (qu'il nous fait partager par Maître Derville). le roman se passe en 1818, sous Louis XVIII, mais il a été écrit en 1832, sous la monarchie de Juillet. Il est donc doublement historique, puisqu'il évoque les campagnes de l'Empire, et notamment la bataille d'Eylau, et aussi le sort des « demi-soldes » sous la Restauration.
Le portrait de Chabert est un des plus émouvants que nous ait laissé Balzac : comme le père Goriot, c'est un vieillard déçu par ses proches. Mais si Goriot, par amour paternel, ravale sa fierté, Chabert, lui, au nom de sa dignité bafouée, renonce à se battre. Les deux sont pathétiques dans la façon dont ils sont menés en bateau, l'un par ses filles, l'autre par sa femme. Et, coïncidence troublante, Maître Derville est également l'avoué du Père Goriot.
Les autres portraits ne sont pas en reste : la comtesse, comme souvent chez Balzac, fait passer ses goûts de luxe et sa fortune avant toute autre considération. (c'est une idée assez répandue sous la Restauration, et ce sera encore plus vrai sous la Monarchie de Juillet : pensons au « Enrichissez-vous » de Guizot). L'honnête Maître Derville se veut un peu le moraliste de l'histoire, mais devant la tournure des évènements il ne peut que constater le manque de coeur, la malveillance, l'hostilité de certains personnages, qui abusent de la faiblesse de leur victime.
Un grand Balzac qui se lit très facilement, bien qu'il ne soit pas découpé en chapitres, un peu comme une longue nouvelle.
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