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Critique de myrtigal


Il y a quelques mois j'ai lu La vieille fille et j'avais été particulièrement impressionnée par le portrait saisissant que Balzac avait fait à la fois de la figure de la vieille fille et celle de la ville de province.
Bien que le curé de Tours fasse partie d'une trilogie différente de la vieille fille (Les Célibataires vs Rivalités de province), et que ce soit une nouvelle et non un roman comme la première, on y retrouve quasiment les mêmes thèmes, dans un contexte différent, et poussés à leur paroxysme. J'en ai été encore une fois totalement saisie.
Ici le personnage principal c'est l'abbé Birotteau, François, frère du fameux parfumeur au roman éponyme, César Birotteau. Il mène une vie ecclésiastique plutôt paisible dans la douceur Tourangelle où il loge chez une certaine mademoiselle Gamard. Tout aurait pu se passer sans encombres. Mais c'était sans compter l'indolence de Birotteau qui ne se rend pas vraiment compte de ses maladresses, l'orgueil de mademoiselle Gamard, qui ne peut tolérer qu'on blesse sa fierté et l'ambition de l'abbé Truchard, ami de cette dernière qui sans mot dire est prêt à tout pour franchir les échelons. Les deux amis, que la présence du pauvre Birotteau gène, mèneront une guerre froide et silencieuse pour s'en débarrasser, et tout ira decrescendo pour lui.
C'est une nouvelle et pourtant cette histoire m'a fait l'effet d'un roman tant elle est intense. Encore une fois, tout y est ; descriptions, tension, rebondissements et surtout portraits. Portrait incisif et cinglant de la prêtrise et de ses effets sur les hommes, de la réalité derrière le voile de la religion et du mélange malsain entre ambition terrestres et ambition céleste. Portrait de la province qui a élevé au rang de sport la médisance et les bavardages malveillants dont elle a besoin pour maintenir la vie sociale. Mais le portrait le plus saisissant, le plus marquant est celui de mademoiselle Gamard dont Balzac dissèque et analyse aussi finement que chirurgicalement les tensions internes que crée, en elle et en chaque femme de ce temps, cette position presque contre-nature du célibat prolongée, de la frustration qu'engendre cette place floue que ces femmes occupent malgré elles et qui doivent tenter tant bien que mal de continuer à exister dans la société. Là ou mademoiselle Cormon (La vieille fille) avait choisi d'agir avec bonté malgré les regards, mademoiselle Gamard, elle, n'écoutera que son ressentiment.
Je n'aime pas les anachronismes mais j'ai trouvé Balzac particulièrement féministe lorsqu'il pointe du doigt ce que la société inflige à ces femmes et ce que ces femmes s'infligent elles-mêmes à cause de la société :
« Ces êtres ne pardonnent pas à la société leur position fausse, parce qu'ils ne se la pardonnent pas à eux-mêmes. Or, il est impossible à une personne perpétuellement en guerre avec elle, ou en contradiction avec la vie, de laisser les autres en paix, et de ne pas envier leur bonheur. »
« Un préjugé dans lequel il y a du vrai peut-être jette constamment partout, et en France encore plus qu'ailleurs, une grande défaveur sur la femme avec laquelle personne n'a voulu ni partager les biens ni supporter les maux de la vie. Or, il arrive pour les filles un âge où le monde, à tort ou a raison, les condamne sur le dédain dont elles sont victimes. »
Si l'on n'y prend pas garde et qu'on lit ces passages avec le regard de 2024 on pourrait mal y voir, mais si l'on se place en 1832 l'analyse qu'il livre devient avant-gardiste, frappante et compatissante. En utilisant la fiction Balzac étudie les femmes sous toutes leurs coutures, les contradictions et les difficultés auxquelles la société les confronte, et c'est vraiment un aspect que j'adore absolument chez Balzac. C'est pour cela que j'avais tant aimé La maison du chat-qui-pelote, le bal de Sceaux, La vendetta, Eugénie Grandet et La vieille fille. Et encore une fois j'ai adoré, j'ai été totalement fascinée par le curé de Tours, et même quelques fois émue.
Bref, encore un coup de coeur. Tu as trop de talent Honoré.
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