Voilà un (court) récit plein de verve rabelaisienne et d'humour molieresque!
Avec aussi, entre les lignes, une critique sans pitié de toutes celles et ceux qui, de toutes les époques, et la nôtre n'est pas en reste, cherchent à nous arnaquer, en nous faisant miroiter des profits merveilleux avec des produits financiers (la crise des « subprimes » n'est pas si loin); bref, de la dérive de ce monde capitaliste dans lequel souvent on ne nous vend que du vent.
Félix Gaudissart, que l'on a vu dans
César Birotteau, et qui réapparaîtra dans
le Cousin Pons, est pour
Balzac le portrait type du Commis-Voyageur, grand bonimenteur qui embobine ses clients dans son flot de paroles, et que ceux qui le connaissent surnomment, non sans ironie, l''illustre Gaudissart. Après avoir vendu des articles de mode et des chapeaux, le voilà reconverti dans la vente de produits d'assurance, et aussi d'abonnements à des journaux pour enfants.
Imbu de lui-même, il se voit faire fortune, monter dans l'échelle sociale, et pourquoi pas devenir ministre!
Cependant, après de multiples pérégrinations en France, notre commis voyageur va visiter la Touraine que connaît bien l'auteur,, Vouvray plus précisément. Là,
l'illustre Gaudissart fera la connaissance de « l'un de ces railleurs indigènes dont les moqueries ne sont offensives que par la perfection même de la moquerie, et avec lequel il eut à soutenir une cruelle lutte .» Ce Monsieur Vernier, teinturier de son état, va lui jouer un mauvais tour, et notre commis-voyageur découvrira, avec colère, être « l'arnaqueur arnaqué ».
Cette nouvelle truculente se lit vite et avec plaisir. Évidemment, on n'est pas ici au niveau de Gobseck, de
la Duchesse de Langeais, et de tous ces textes « romantiques »:
La femme abandonnée,
La fille aux yeux d'or,
La Maison du Chat qui pelote, etc…
Néanmoins, il y a de la part
De Balzac, une critique sous-jacente et plutôt acerbe d'un capitalisme frénétique qui vend des rêves pour des réalités, et cela fait que cette nouvelle est, je trouve, toujours actuelle.