Dans sa bibliothèque silencieuse
un vieil homme prend un livre
glisse sa main entre les pages
caresse
comme ferait un aveugle
le très léger relief des caractères sur les feuilles
Délices du toucher , que va tuer la numérisation.
Un vieil homme semblable à lui
déroulait doucement un rouleau, voici des siècles.
Il déplorait la brutalité rectangulaire
de ce nouveau venu: le livre.
Un tremble
c'est le nom
du peuplier blanc : luisance furtive.
Éclair des feuilles
leur vie scintille
instant après instant
elles chuchotent
que nous avons aussi des momentss miroitants
minuscules, étincelantes traces de nous sur le monde.
Ce qui est écrit dans le chant du feu
Ce qui est écrit dans le chant du feu
N'est pas écrit
pour toujours
scintille
puis s'étouffe
mais
d'un poète l'autre
au travers des siècles
court une étincelle
de violente vie
Oui, à vie contenue...
Oui, à vie contenue
il compose en lui
un amour fou
contre le vent
il marche vers l'urgence
il ne renonce pas aux amis disparus
il les plante au jardin
les suspend aux poignées de porte
il refuse passionnément
de refuser.
...Mais parfois un homme qui rêve
...Mais parfois un homme qui rêve
ne possède rien sinon l'infini des choses.
En lui la circulation du sang continue
les poumons s'emplissent, se vident
les reins filtrent
et lui, seigneur de toutes formes inconnues,
respire fort, explorateur haletant
une minute peut-être
d'un au-delà.
Aimer…
Aimer.
Ce sera un mot sans suite.
Mais il aura été écrit, dans un moment lui-même
ineffaçable
du grand calendrier que nous ne connaissons pas.
TOI, L’HERBE…
Toi, l’herbe
toi ligneuse, tête lourde de graines,
que le hasard a fait germer en pot sur un balcon,
je te merveille, je t’espérance
tu sauvage
tu
secrète
tu parles d’une grande terre semée de toi
sur elle je caresse ma figure civilisée,
mes livres verticaux,
l’espace tout entier : sa vieille histoire, sa fatigue.
Nous nous faisons une origine
dans l’odeur de ta sève.
Babel n’est pas encore construite
et nous non plus.
Ce sont les jours d’avant l’homme et la femme.
Tout est possible encore.
Être traversé
Être traversé
par ce qu'il y a de plus mûr dans le monde : fruit, poème
ou seulement
faire la monnaie de ce rêve.
On suit du doigt le contour d'une goutte d'alcool sur la table
au dehors
la route gèle.
Une saveur chaude et passagère
emplit notre bouche, se transfère à tout notre corps.
Secondes
Secondes, secondes
entre main posée sur la mienne
et sommeil du soir
Secondes
qui dévient la tristesse
vers un alphabet tendre de la nuit
Avant de sonner …
Avant de sonner à cette porte
on tâte sa poignée
comme on prend un pouls.
Elle suggérera peut-être de partir
peut-être d’entrer
pour une vie entière ?