Qu'ai-je fait? Kyle Mac Logan se vit tel qu'il était. Peu importait qu'il change de nom. Peu importaient ses textes et ses mélodies. Peu importait que des gens s'y accrochent. Il avait dérapé en tant qu'homme. Et ça, c'était de son fait. La honte l'écœurait jusqu'à le rendre malade.
La justice se fout des ressentis, parce que ce n'est pas une preuve tangible alors qu'un bleu, une lèvre enflée, une côte cassée, une constatation médicale ou encore un corps sans vie étendu en travers d'un lit est un putain de fait.
Et comme quasiment tous les soirs, Migraine s'était invitée. En pleine extase. Elle déversait sa douleur. Il connaissait les règles du jeu et savait qu'elle irradierait de façon violente jusqu'à la seconde où il poserait un pied sur la scène. Où là, par miracle, elle disparaitrait. Peut-être partait-elle bavarder avec la Peur ou bien s'installait-elle dans le public pour écouter et profiter du spectacle ? Puis, satisfaite - ou non, dailleurs -, elle revenait "chez elle" jouir de sa place de lunatique.
– Ce sont les stats. Les « toujours » ont toujours une fin.
Ne serait-ce que parce qu’on crève…
– Je te prouverai que le « toujours existe ».
– Si tu savais comme je m’en fous !
Elle savait combien il est impossible de se défaire de son enfance. Des bonnes choses comme des mauvaises. On fait avec. Le passé et le présent. Qui ont tous les deux le potentiel de foutre en l'air le futur.
N'avait-il pas dit, après la fête foraine, qu'il ne "recommencerait pas" ? Il n'avait pas juré qu'il ne recommencerait "jamais". Il faudrait toujours prêter attention aux mots qui sortent spontanément de la bouche des gens... Car il recommença. Pas très souvent, ni très fort. Du moins, au début. Et toujours par ~ amour ~.
Quand la jeune journaliste lui demanda si, un jour, elle accepterait de représenter une cause, la rockeuse répondit sans hésitation :
- Non.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il y en a trop à défendre.
- Et "toujours", ça n'existe pas pour toi ?
- Non. Enfin si. C'est possible quand tu tombes amoureux à quatre-vingt-dix ans et que tu as un cancer généralisé.
- Je ne suis pas d'accord.
- Ce sont les stats. Les "toujours" ont toujours une fin. Ne serait-ce que parce qu'on crève...
C'est ça, la beauté de la musique. On ne peut pas te l'enlever.
Tout avait un rythme. Les pas de madame Miller dans les rangs. Les roues grinçantes du bus jaune de l'école. Les marches qui craquaient dans la maison. Le glouglou de l'eau dans le frigo répondant à la chasse d'eau qui se remplissait par à-coups, le crépitement de l'huile dans la poêle incandescente. Les klaxons dehors, des sirène au loin.