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Critique de Wazlib


Wazlib
23 septembre 2018
Clive Barker a toujours été cher à mon coeur. Une chose est certaine: il est mon auteur d'imaginaire favori. Possiblement mon auteur préféré tout court, même si le débat pour ce genre de question est difficile et finalement peu intéressant puisque chercher à comparer les effets que me provoquent Bret Easton Ellis ou Clive Barker revient in fine à comparer le plaisir d'une bonne raclette à celui d'une truite fraichement grillée.
Cela dit, depuis mon adolescence, l'univers de l'auteur n'a cessé de me hanter. Je n'ai, pour l'instant, quasiment jamais vu un univers si unique et si littéralement étranger (peut-être la science-fiction de Lucius Shepard?). En tous les cas, l'influence de Barker sur ma vie, et plus particulièrement ma vie de lecteur, est phénoménale. C'est lui qui m'a accroché définitivement à la lecture, une fois passée les lectures jeunesses et l'immense coup de coeur Harry Potter. Et, lorsque je fais une petite rétrospective de mes lectures, je me dis que le tournant majeur et indispensable à tout ce qui a suivi fut bien ma lecture de "Coldheart Canyon" et des "Livres de Sang".

Très honnêtement, tenter de rendre justice à la série des Livres de Sang est vain. Les six recueils de nouvelles, globalement de grande qualité (il y a quelques subtiles variations de niveau sur certains d'entre eux), sont tout juste incroyables. L'univers de Barker ne mérite pas d'être disséqué dans tous les sens, même si c'est affreusement tentant. Tout se résume dans sa vision des choses, décrite dans de nombreuses interview: il rêve d'images, d'idées, de sensations; se demande dans quel médium faut-il les exprimer; puis mesure l'urgence de le faire; puis tente de rendre cette chose la plus élégante possible. Ce qui est explique l'originalité toujours renouvelée de son univers et le côté multi-artistique: car Clive fait des peintures, des romans, des films, des comics...

Ce cinquième tome des Livres de Sang est un excellent opus, et notamment grace à ses deux premières nouvelles.
La première, "Lieux Interdits" est finalement très connus des amateurs d'horreur. Elle a en effet été la base à une saga horrifique cinématographique plutôt positivement acclamée: Candyman. On relève bien souvent dans les critiques que la nouvelle n'est pas à la hauteur et bien en-deçà du film. J'ai envie de répondre: bien sûr! C'est une nouvelle, son premier but n'était pas d'être adaptée au cinéma, et c'est valable pour n'importe quel auteur. Et très honnêtement, si l'on se démarque du film, c'est une nouvelle d'une très grande qualité. Mais vraiment très grande: l'atmosphère urbaine claustrophobique et étrange est particulièrement léchée, la personnalité de la journaliste parvenant à s'effacer suffisamment pour appuyer le propos de cette histoire. Parce que, contrairement au film, il est ici bien plus question de la rumeur et de ce qui reste, dans l'art et la parole, que de la figure du Candyman, évidemment réaffirmée par le film et la tradition des boogeymen.
La deuxième nouvelle est ma préférée du recueil, et est au même titre que la première, un chef-d'oeuvre. Cette fois-ci, on nous présente un travail d'atmosphère encore un niveau au-dessus. Et croyez-moi, l'image des Bains-Douches était restée bien ancrée dans ma mémoire depuis ma première lecture il y a une dizaine d'année. C'est honnêtement excellent, et particulièrement représentatif de l'univers de Barker: l'ambiance est étrange, dessine une mythologie nouvelle pleine de créature coincée dans un spectre de plaisir et de souffrance, à la chair suppliciée et faisant découvrir le sacré à un jeune profane. Tout y est, c'est bien construit et très rythmé: une grande réussite. Cela permet en plus une revisite glauque de la féminité dans son côté symbolique, et attention les yeux!
La troisième nouvelle fut celle qui me déçut le plus: il est fort probable que ce Barker-là, loufoque et presque comique, me touche beaucoup moins que l'auteur poétique et baroque des dernières nouvelles. Et puis avons-le, cette histoire de conspiration mondiale absurde n'est finalement pas trop crédible, et on reste un peu dubitatif devant cette histoire qui a du mal à s'affirmer.
La quatrième, "Prison de Chair", est honnêtement une belle oeuvre: on explore ici la rédemption et le pêché au-travers d'un malheureux prisonnier qui découvrira, par l'intermédiaire de son troublant compagnon de cellule, des vérités qu'il aurait préféré laisser enfouies. C'est là aussi très rythmé, très tordu et d'une efficacité percutante.

Alors autant se le dire: ce cinquième tome des livres de sang appartient à la majorité de ces derniers: ceux qui s'érigent en chef-d'oeuvres de la nouvelle fantastique. Véritable électrochoc du fantastique contemporain, d'un esthétisme léché et particulièrement travaillé, ces histoires vous feront découvrir, à coup sûr, quelque chose de très différent.
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