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Critique de oiseaulire


L'univers de Djuna Barnes est onirique et cruel. Elle exprime d'une façon poétique cette vérité insupportable : personne n'aime personne, c'est notre besoin d'aimer et d'être aimés que nous prenons pour de l'amour.

Ce roman est hanté par l'abandon et le manque : abandon du baron par sa mère, morte en lui donnant le jour et qui s'attachera à une femme implacable, incapable d'aimer, abandonneuse en série de ses amours successives ; manque de la présence de l'être aimé, non pour lui, mais pour la part de nous qu'il arrache en partant, laissant derrière lui un être en lambeaux.

L'amour comme l'insomnie auquel il ressemble, est hypervigilance : quand va-on être quitté ? Va-t-elle (il) revenir ? Et souvent elle revient, mais disparaît encore, ravivant la plaie jusqu'à l'insupportable.

Le bavard docteur panse les blessures qu'exhibent tous ces êtres en souffrance d'eux-mêmes ; il est une sorte de passeur, versé sur la métaphysique, prêt à aider son prochain et exploité par lui sans vergogne car on connaît son oreille compatissante ; insensible à ses tourments, ne se demandant même pas s'il en a, on n'hésite pas à le charger d'un fardeau qui n'est pas le sien. Or le docteur a son propre enfer, qui est d'avoir raté sa destinée, encombré par sa masculinité dont il n'a que faire et qui le poursuit obstinément.

"Le bois de la nuit" a été écrit en 1936 : il est un phare de la littérature lesbienne mais constitue une belle méditation sur la souffrance amoureuse en général.

Le style est très créatif, à la limite de l'expérimental, ce qui fait parfois sa difficulté. Il m'a fait penser à celui de l'"Ulysse" de James Joyce, paru en 1922 : il faut noter d'ailleurs que Joyce et Barnes entretenaient une relation amicale. J'ai pris le parti de lire "Le bois de la nuit" sans omettre les passages obscurs, mais sans essayer non plus de les comprendre absolument. Cela m'a semblé assez efficace : nous captons davantage de choses en nous faisant plus réceptifs, du moins c'est ma méthode. La lecture, cahotique au début, en est devenue fluide, ténébreuse et fantasmatique, et je pense avoir compris l'essentiel.
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