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Critique de Fleitour


Le fracas du temps de Julian Barnes raconte la vie d'un géant de la musique, Chostakovitch, artiste comme il aimait se présenter et compositeur, reconnu à l'étranger, et qui vécu en équilibre sur une corde en URSS, dans l'espoir improbable de trouver avec le régime un accord amiable ou aimable pour lui.

Cet accord introuvable, par dérision il le baptise l'accord parfait : " il est émis par trois verres de vodka pas très propres, et leur contenu est un son qui domine le fracas du temps et qui survivrait à toute chose. p196 "
 
Espoir impossible, il passera par tous les tracas qu'un citoyen lambda pourrait redouter, la disgrâce, l'angoisse, l'attente de la mort annoncée, la servitude, la honte, le reniement...

Julian Barnes empreinte à Chostakovitch l'ironie, l' ironie grinçante d'un violon, la pique sauvage de la flèche, l'humour qui au fil du temps devient lâcheté.
Vivre mais pourquoi vivre, il est plus facile de mourir, c'est l'affaire d'un instant, mais vivre ! "il était sincère, la mort était préférable à une terreur sans fin" p 144. Il ajoute "cela était leur victoire finale sur lui, au lieu de le tuer, ils l'avaient laisser vivre et en le laissant vivre il l'avait tué. " p 192 

Et la musique, dans cet univers soviétique, était devenu une épreuve : "Lénine trouvait la musique déprimante, Staline croyait comprendre et apprécier la musique, Khrouchtchev méprisait la musique... Quel est le pire pour un compositeur ?" P 129. Encore faut-il la composer pour être entendu, joué, la musique appartient à personne , ni au peuple ni au pouvoir, sa musique sera juste de la musique, c'était tout ce qu'un compositeur pouvait espérer.

" Nikita Khrouchtchev qui s'y connaissait autant en musique qu'un cochon en fenaison s'était laissé persuader d'inviter le célèbre exilé, Stravinsky, à revenir pour une visite, car ce sera un joli coup de propagande." p 147

Lucide sur ses revers, ses infortunes comme sur ses nombreuses distinctions, Chostakovitch pour protéger ses proches va boire sa lâcheté jusqu'à la lie, il va adhérer au parti, comme le condamné à mort hume sa dernière cigarette, pour rien, et avec perversité ils lui font signer des textes qui dénoncent des horreurs, comme la Vodka est bien utile au condamné Chostakovitch.

Julian Barnes va jouer de ces situations cocasses, et quand il décrit l'empire soviétique fait de multiples absurdités, pour réaliser une immense tragédie, son regard est autant tourné vers Poutine que vers Staline, les exécutions de masse en moins, ainsi le suggère les nouveaux serviteurs du régime.

Le récit commence avec "ces veillées nocturnes, près de l'ascenseur il n'était pas un cas unique d'autres dans toute la ville agissait de même, voulant épargner à ce qu'ils aimaient le spectacle de leur arrestation". P 63.
Julian Barnes termine sur l'accord parfait la Vodka devenant avec trois verres ce son idéal.

Cette biographie permet de toucher du doigt un homme exceptionnel tourné totalement sur la musique, survivant ironiquement à tout, échappant à la mort car le policier qui l'interroge est exécuté avant lui ! Devenant le dindon du régime, la caution ridicule qui lit de travers les discours officiels, joue la mascarade sans fin en échange d'un chauffeur inutile.

Une maestria dans l'art de l'humour, de l'ironie, de disséquer les faits, au 2ème ou au 3ème degré d'un ascenseur fantoche, c'est souvent drôle comme un goût de David Lodge.
A lire pour le plaisir, les musicologues, largement égratignés peuvent être déçus !

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