Assise au soleil, sur les marches de l’église Santa Maria della Salute, Nelly venait de déballer un tramezzino, lorsque son portable sonna.
Cet homme la poursuivait avec une admirable ténacité. Voilà plusieurs jours que Valentino Briatore l’appelait pour lui proposer toutes sortes de rendez-vous.., alors qu’elle était venue à Venise pour avoir la paix. Ce qui signifiait aussi qu’elle voulait réfléchir à «l’affaire» Beauchamps sans être dérangée. En d’autres termes : elle voulait être triste en toute tranquillité, et ce Vénitien à la crinière brune et à la bouche rieuse tentait de l’en empêcher. Son ministre des belles pensées! Nelly sourit malgré elle. Cela partait d’une bonne intention, mais à quoi bon, quand on était en deuil?
Oui, en deuil, car son coeur se faisait toujours lourd quand elle pensait à Daniel Beauchamps. Les pages ne se tournaient pas aussi vite… Elle sillonnait donc la ville paisible, et quand elle voyait un palazzo particulièrement beau, ou les gondoles vides qui attendaient le retour du printemps en se balançant sur l’eau, Riva degli Schiavoni, ou encore, quand elle empruntait le soir une ruelle très pittoresque, elle s’imaginait le professeur marchant à côté d’elle.
Venise était un lieu trop romantique pour s’y trouver seuil. Rien d’étonnant à ce que la mélancolie la submerge… Elle aspirait à l’amour, certes. Mais pas à une aventure avec un séducteur (aussi sympathique fût-il), aventure qui serait terminée avant même d’avoir eu le temps d’épeler le mot «avventura». Un Italien ne pouvait s’empêcher de chercher à conquérir le coeur d’une jolie femme — c’était une sorte de sport national.
C'était un moment magique, de ceux qui naissent toujours quand l'impossible devient possible. C'est ce qu'on appelle un miracle. Et parfois- pas seulement dans les romans, dans la vraie vie aussi-, c'est l'amour qui, en fin de compte, triomphe de la peur et nous fait voler ensemble, en dépit de tous les doutes, de tous les aléas.
Au bout du compte, toute vie devient un récit, le plus court étant celui qu'on grave sur une pierre tombale : début et fin, naissance et mort. Le temps qui s'écoule entre les deux constitue la véritable histoire. Celle-ci peut être longue ou courte. Elle dure parfois 93 ans, parfois 3 ans seulement. On lit les dates en passant et on s'imagine les destins qu'elles peuvent dissimuler.
Comme la plupart des gens, Nelly associait le Sud, de façon tout à fait irrationnelle, à un lieu où le soleil brillait toujours et où la vie était plus gaie et insouciante que nulle part ailleurs. Or, c’était précisément ce dont elle avait besoin à cette heure précise.
Pour voyager réellement, il fallait prendre un peu de temps, peut-être même prendre le temps tout court, méditait Nelly au moment du dessert –Alors, on pouvait se permettre de s’attarder, de retourner aux endroits qui nous avaient particulièrement plu, ou tout simplement, de faire une sieste sans passer pour autant à côté de cinq attractions.
Pourquoi se casser la tête aujourd’hui à propos de ce qui n’aurait d’importance que demain ? Carpe diem.
AU BOUT DU COMPTE, toute vie devient un récit, le plus court étant celui qu’on grave sur une pierre tombale : début et fin, naissance et mort. Le temps qui s’écoule entre les deux constitue la véritable histoire. Celle-ci peut-être longue ou courte. Elle dure parfois quatre-vingt-treize ans, parfois trois ans seulement. On lit les dates en passant et on s’imagine les destins qu’elles peuvent dissimuler.
Il était toujours étonnant de constater que la vie, après chaque bifurcation, vous réservait de nouvelles surprises.
Rappelle-toi ce que mamie disait toujours : un nouveau jour s'annonce déjà au beau milieu de la nuit.
Les signes, quand on y croyait, avaient ceci d'agréable qu'ils pouvaient vous fournir des repères sur la déroutante carte de la vie.
Croyez-moi : aucun livre au monde ne mérite qu'on passe à côté de sa vie. Sortez plus souvent, amusez-vous !
Au bout du compte, toute vie devient un récit, le plus court étant celui qu'on grave sur une pierre tombale : début et fin, naissance et mort. Le temps qui s'écoule entre les deux constitue la véritable histoire.
Le temps ne s’arrête jamais, signorina Eleonora. Seuls nos souvenirs persistent. Ils nous restent acquis pour toujours.