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Critique de DianaAuzou


Beau livre, tapisserie éclatante où les signes touchent tous les sens, le sixième en particulier, il en est exalté, silencieusement et très profondément.
Roland Barthes va à la rencontre de l'altérité et le bonheur qu'elle lui fait vivre par interstices, rythmes, parfums, silences, mouvements, le bruissement de la langue. Un livre-poème est né de cette expérience édénique avec le Japon. Un livre-objet, périple entre le texte manuscrit et le texte imprimé, le dessin la photo la couleur le noir et blanc.
Roland Barthes est à l'Extrême Orient, un Orient indifférent, inconnu, surprenant au plus fort, Différent (avec majuscule) qui "l'a étoilé d'éclairs multiples" pour parler à ce sixième sens comme à une intelligence effleurant l'inconscient.
L'ouï ne comprend rien, l'oeil regarde et le corps est touché par quelque chose d'indéfinissable, étranger, une alchimie s'opère, et l'indéfinissable devient sensuel. le Japon ne peut être photographié, mais curieusement, il a mis Roland Barthes en situation d'écriture, comme un miroir, découverte de soi depuis ailleurs, "une secousse du sens". Pays de signes, "réserve de traits... entièrement dépris du nôtre."
Des traits, il y en a à profusion, dans la langue, la poésie, la politesse, le graphisme, la nourriture, l'agencement des villes, le théâtre, les usages, les caractéristiques et l'expression des visages, le zen... Là-bas, l'esprit occidental devient ignorant et le corps surpris se laisse impressionner. Sans essayer la connaissance, Barthes restitue des impressions savoureuses sur les choses, sur le vide nourrissant.
Le Japon, empire des signes, des signifiants, espace et emprise, ivresse dont Barthes est l'objet et ne sait à quelle vérité correspondent les signes ; une apparence est dépassée et une autre s'ouvre, le sens se dérobe, il devient utopie, et les sens s'en réjouissent.
Roland Barthes est occidental mais se distingue de l'occidentalisme, il refuse de refabriquer l'Orient, et c'est justement par cet anti occidentalisme qu'il veut rester occidental au Japon, il s'en tient à une phénoménologie du Japon, il n'a pas le revers, ne décrit que la surface. Par respect de l'autre il le restitue tel qu'il est. Ses sens reçoivent, son corps savoure. le vide dans la compréhension, le plein dans les sens. le haïku suspend le langage, il ne le provoque pas, il est présent sans commentaires. "Tout en étant intelligible, le haïku ne veut rien dire, et c'est par cette double condition qu'il semble offert au sens." "Le haïku a la pureté, la sphéricité et le vide même d'une note de musique ; c'est peut-être pour cela qu'il se dit deux fois, en écho ; ne dire qu'une fois... ce serait attacher un sens à la surprise ; le dire plusieurs fois, ce serait postuler que le sens est à découvrir...".
1970, L'empire des signes sort de l'imprimerie, voit le jour, texte riche, livre silencieux, les sens frémissent devant une sensualité venue de très loin.
L'expérience japonaise, Roland Barthes l'a accueillie, l'a recueillie, s'y est recueilli, le vide lui a montré le plein.
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