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Critique de Charybde2


Une ex-résistante ressuscite chaque année son compagnon d'armes défunt pour se souvenir avec lui de leurs luttes et de leur amour.

Publié début 2012, le dernier-né de l'incarnation Lutz Bassmann d'Antoine Volodine en est sans doute le plus abouti à ce jour.

Dans cet univers où les rebelles ont été écrasés dans des temps plus anciens, les survivants, anciens combattants, simples passants des classes inférieures, ou membres de tribus rejetées, vivent des rares miettes laissées par les vainqueurs, et de leurs souvenirs... L'un de ces combattants héroïques et dérisoires, Nathan Golshem, est mort depuis longtemps déjà, mais sa compagne Djennifer Goranitzé, au prix d'un long et douloureux périple, vient chaque année passer quelque temps sur l'endroit qui lui tient lieu de tombe. Là, moyennant quelques efforts et rituels chamaniques précis (échos constants d'autres romans du corpus post-exotique de Volodine), elle peut rendre un semblant de vie, fugitif, à son défunt compagnon, et passer quelques jours et quelques nuits avec lui, échangeant souvenirs de guerre et anecdotes de captivité... "Danse avec Nathan Golshem" est le récit de l'une de ces expéditions mortuaires et des histoires remémorées alors par les deux amants.

"Djennifer Goranitzé, une des reines du dortoir ouest, se rendait chaque année de l'autre côté de la frontière. le voyage était difficile et souvent Djennifer Goranitzé risquait sa vie dans l'entreprise. Elle serrait les dents, elle se battait contre l'adversité, elle avançait coûte que coûte, et, pour finir, elle atteignait le désert côtier et elle commençait à marcher sur la route qui longeait et dominait la mer. le paysage était d'une beauté à couper le souffle, et elle s'arrêtait de temps en temps pour l'admirer, mais son émotion n'était pas celle d'une touriste en quête d'images, pas du tout, non. Djennifer Goranidzé n'était pas partie en promenade, elle allait accomplir son devoir conjugal."

"C'était, selon lui, un discours qui devait plaire.
«Bien qu'attestée depuis plusieurs générations, et donc suspecte de s'être ancrée en moi comme une donnée fondamentale et irréversible, mon ralliement à la lie n'est dû qu'à la guerre et à un malheureux concours de circonstances, expliqua-t-il. Mais pour le reste, pousuivit-il, je m'aligne sans restriction sur les principes des riches et de leur économie libérale. J'apprécie leur vision du monde et, du mieux que je peux, j'essaie de la mettre en oeuvre. J'aspire moi-même à devenir riche et puissant. J'aimerais accéder à des fonctions de direction dans n'importe quel secteur. Je suis sensible depuis toujours à la morale du succès et de la compétition, et je ne suis pas ce ceux qui s'opposent au triomphe du capitalisme par des vociférations, des crimes ou des coups bas.»
Il s'interrompit, à vrai dire assez fier de sa tirade."

Phrases rythmées et scandées comme des rituels ou des chants guerriers, anecdotes sordides ou héroïques, plages insensées de comique d'énumération (toutes les guerres perdues, compositions du public de réunions militantes, chefs d'accusation possibles, maladies présentes au sein des camps prisonniers, rituels de conjuration des âmes défuntes,...), pour une poignante poésie des vaincus, irrémédiablement condamnés, mais dont l'âme ne plie toujours pas...
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