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Critique de Colchik


Nous voici donc conviés à la maison du jouir, cette Liberty House repliée dans les collines de l'arrière-pays mentonnais. Arcadie, le nom du roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam est évocateur à plus d'un titre. On se prend à rêver d'une contrée bucolique et paisible, d'une douce utopie, on revoit le magnifique tableau de Poussin, Les Bergers d'Arcadie, dont l'autre appellation est plus insidieuse : Et In Arcadia Ego. Bien sûr l'auteure qui est très cultivée n'ignore aucune de ces poupées gigognes dans lesquelles elle abrite son roman et qui en dressent dès lors les lignes de fuite.
Farah Marchesi est une enfant heureuse depuis que ses parents et sa grand-mère ont fait le choix de rejoindre une petite communauté installée dans un ancien pensionnat religieux du sud de la France. Liberty House, située en zone blanche, est un refuge pour sa mère Bichette qui souffre d'hypersensibilité électromagnétique. Tout un petit monde d'excentriques, de parias, d'êtres blessés gravite autour d'Arcady Gharineyan, le berger de cet éden. Quinze ans de bonheur et de liberté pour Farah qui grandit dans cette propriété où chacun fait ce qu'il veut à condition de bannir portables, ordinateurs, régime carné et sélectivité. En effet, la maison du jouir (clin d'oeil à Paul Gauguin) ne connaît qu'une seule orthodoxie, celle du droit à la jouissance sexuelle de tous, vieux comme jeunes, beaux comme laids, handicapés comme bien portants. Farah grandit avec l'obsession d'être un jour dépucelée par Arcady, son adoré. Mais, comme rien n'est simple, même au paradis, Farah souffre d'intersexuation. de petite fille laide, elle se transforme en un être doté de caractères sexuels hybrides. Bon, ce n'est pas trop grave car Arcady ne va pas s'arrêter à si peu et sa connaissance du plaisir pallie bien des désagréments physiques. Hélas, l'arrivée d'un jeune migrant dérègle le fonctionnement jusque là harmonieux de Liberty House et annonce la catastrophe à venir.
J'avoue m'être beaucoup ennuyée à la lecture de ce roman. Il est de mode aujourd'hui de citer, en fin d'ouvrage, un certain nombre de crédits. Parmi la liste de noms tirés du chapeau d'Emmanuelle Bayamack-Tam, j'en ai recherché un : Vladimir Nabokov. Comment ne pas retrouver dans Farah une bien pâle ressemblance avec l'Ada de Nabokov ? Et dans le livre un décalcomanie d'Ada ou l'Ardeur où bien des éléments sont transposés, les lieux tout d'abord, le château, la bibliothèque, le parc, mais aussi « l'innocence arcadienne », la jouissance juvénile, l'entourage baroque… Au-delà de ce détournement maladroit – mais la littérature abonde de dérivations plus ou moins réussies – l'auteure convoque à peu près tous les thèmes d'actualité : l'électrosensibilité, les migrants, l'intersexuation, le lesbianisme, le naturisme, le végétarisme, le véganisme, la sexualité précoce, l'influence médiatique, les oeillères de la justice. Preuve ultime de modernité, l'utilisation du verlan dans les dialogues entre jeunes : ça décoiffe même si on ne comprend pas la moitié des mots.
La modernité n'est pas dans les habits de la modernité, elle est dans le fond de l'histoire que l'on veut raconter. Emmanuelle Bayamack-Tam l'atteint dans les deux derniers chapitres de son livre enfin débarrassés du superflu.
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