Depuis des siècles, tu sais, nous nous ingénions à dresser une muraille d'interdits entre les sexes, alors l'amour s'est fait acrobate.
Le désespoir est la face cachée du désir.
Le premier baiser contient tous les autres, c'est une graine, où elle germe, où elle meurt.
L'oubli est la tristesse de la mémoire, son renoncement. Les lieux, eux, ne perdent rien de leur ancrage. [..]
Les lieux que l'on a habités nous habitent.
Il y avait des jours d'incandescence. Le monde écrasé sous une lumière insoutenable. Le sirocco souffle du désert qui prend la mer à rebrousse-poil, sans une ride, exténuée, expire à la lisière du sable chauffé à blanc, l'haleine suspendue, on oscille dans la vibration immobile de l'air.
Je me prenais pour qui de croire que ce que j'avais à dire n'avait pas déjà été dit , et mieux, infiniment.
A la fin des cours, Mounir me refile un livre mince, sous le manteau, comme un album de photos cochon. Les Fleurs du Mal. L'illumination, page après page je découvre qu'on peut lire le rêve, dire l'imaginaire, le nommer, l'inventorier, rendre ses couleurs, ses irisations, ses moires, ses odeurs, toute la gamme de ses sonorités. Entendre les vers retentir en soi, longuement, jusqu'à l'imprégnation et qu'ils s'impriment dans la mémoire, gravant leur empreinte, entraînés par la musique qu'ils composent. Les poèmes se dissolvent dans le sang, viennent à la bouche de leur propre mouvement, fleurs s'épanouissant grâce à la seule force de leur vitalité. De leur désir. (p.113/114)