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Critique de ODP31


Régler la mire.
Après voir sorti du grenier nos vieux Minitels, 3615 Ulla et bonne compagnie, dans « La théorie de l'Information » en s'inspirant du parcours de Xavier Niel, Aurélien Bellanger s'éprend du destin d'un autre « self made man », à la one again, pour faire un peu la nécrologie de la téloche à paillettes.
Sa muse, ici, c'est le discret magnat des médias, Stéphane Courbit, importateur du concept de Big Brother et recycleur sans fin d'émissions et de jeux TV d'inculture générale. Perso, à choisir des modèles, nues si possible, la Suzanne Valadon de Renoir ou De Toulouse Lautrec m'appâte davantage que la Loana subaquatique. Plus fan de Rimbaud que d'Arthur, plus mioche au grand air qu'enfant de la télé, la genèse de la télé bling-bling et prélude aux rats de laboratoire confinés, atteints du narcissovirus, ce n'est pas ma tasse de Coca light décaféiné. Pour autant, je ne vais pas faire le snob qui se gargarise de ne pas avoir de télé chez lui. Si ces émissions me parlent, c'est que j'en ai regardé certaines. Mea Culpa est pleine.
La littérature ne manque pas de provinciaux naïfs mais ambitieux qui montent à Paris pour frayer dans le beau monde, faire la roue de la fortune et perdre quelques illusions au passage. A l'époque de la calèche, des hordes de puceaux rêveurs qui ne le restaient pas longtemps (rêveurs et puceaux), envahissaient ainsi la Capitale. le problème de Sébastien Bitereau, au-delà de son nom, c'est qu'en prenant la fuite de sa Drôme natale, il a préféré idéaliser la télé que relire Balzac et faire de sa vie une illusion.
Le roman va suivre son arrivée à Paris dans la valise d'un animateur, puis son entrée dans le poste de nos salons, dans des emplois plus ou moins invisibles d'assistants pour des présentateurs vedettes et chasseurs de patates guignolesques des années 90. Aussi instinctif qu'opportuniste, il renifle avant les autres les tendances télévisuelles du surlendemain. Il importe ce que beaucoup appellent la télé poubelle et que j'ai plutôt tendance à nommer télé-miroir.
A mi-chemin entre la réalité et la fiction, l'auteur décrit les coulisses de la Chance aux Chansons (sevrés de Sevran, abstenez-vous !), des enfants de la télé, de Loft Story et des émissions de Delarue. Dans le roman, des personnages réels côtoient des êtres de fiction qui sont eux-mêmes des avatars reconnaissables d'autres poids lourds du PAF. Des faits irréels qui rendent le récit prenant et la lecture, avouons-le, un peu voyeuriste. Habilement, l'auteur fait du lecteur un téléspectateur privé de sa télécommande.
Bien moins cynique que moi, Aurélien Bellanger parvient à décrire de façon romanesque cet univers sans le juger négativement, ce qui relève de la prouesse, en se plaçant dans les pas de ce héros aux ambitions parfois esthétiques mais aux réalités très prosaïques. le côté assez insaisissable de ce producteur fait à la fois la force et la faiblesse du roman. Selon les passages, le sieur Bitereau apparaît tantôt doté d'un charme mystérieux tantôt accablant à cause d'un caractère insipide. La frontière entre les deux n'a pas de douane et il est difficile de s'attacher à ce genre de personnage.
J'ai une autre réserve concernant le dénouement du roman, un peu trop mystique à mon goût.
Aurélien Bellanger n'a pas renié ici ses racines de philosophe. J'ai ressenti une certaine filiation avec les Mythologies de Roland Barthes, lequel définissait le mythe comme un système de communication. La Citroën DS est remplacée par l'opium de la ménagère de tout âge, prélude aux réseaux sociaux actuels.
Bien mieux écrite qu'une biographie pathétique d'un ancien animateur télé, l'auteur est parvenu à composer une oeuvre littéraire autour d'un sujet qui ne me semblait pas en osmose avec la prose.
Une certaine folie se dégage de ce romancier hyperactif et passionné, aussi doué que décalé, curieux de tout et ennuyé de rien.
Y'a quoi à la télé ce soir ?
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