AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ninachevalier



Dans Tibi la Blanche, Hadrien Bels rend hommage à sa ville natale et fait vivre, vibrer la ville bouillonnante de Dakar, ses différents quartiers, la banlieue qui « regarde le centre-ville avec la fierté du pauvre qui enfante artistes célèbres, grands footballeurs ». « Un même quartier peut être sucré au nord et bien trop salé au sud ».
Le quartier d'Extension, «  qui trempe ses pieds sur un bord d'océan mazouté » contraste avec le quartier résidentiel sur le front de mer où est établie la famille Coly.

La protagoniste, qui donne son titre au roman est une lycéenne de Terminale au Lycée Abdoulaye-Sadji de Rufisque, attendant avec excitation et fébrilité les résultats du Bac, tout comme ses deux amis Neurone et Issa.
L'obtention du Bac est un véritable sésame pour ces adolescents qui nourrissent des rêves d'avenir. Ont-ils, comme Tibilé,envie de continuer leurs études en France ?
Dans ce roman, La France, les blancs sont l'objet d'une rancoeur néocoloniale. Des graffiti «  France dégage » témoignent des stigmates de « la rage déversée » lors de manifestations avec voitures brûlées, pillages d'enseignes françaises.

On fait plus amples connaissances avec les parents du trio.
La famile Kanté réside au coeur du quartier de Diamaguène,( mot wolof qui signifie « La paix c'est mieux »), en face du camp de Thiaroye. Occasion pour l'auteur de rappeler un pan d'Histoire, le destin tragique des tirailleurs sénégalais et le naufrage du Joala en août 2002. Les années estudiantines du patriarche Baba en fin de cursus à la Sorbonne sont revisitées.
Le père, la radio réglée sur RFI, a « un room service », et sa fille Tibilé, «  Tibi Toulab », doit alors se soumettre à ses exigences, fustigeant « les garçons qui ne foutent rien dans cette maison ». Et elle se met en grève parfois comme les Français ! Alors la France, pour elle, ce sera la liberté. La lecture est son combat. Elle n'hésite pas à faire comprendre à Neurone que leurs liens sont sous le sceau de l'amitié, lui qui lui déclara sa flamme par texto.
Neurone, «  le cerveau bien fait », «  grand gagnant du concours d'éloquence », ambitionne des études de commerce en France. On le suit quand il se rend avec son père, au consulat pour l'obtention de son visa étudiant, papiers qu'il a l'intention de montrer à Tibi ! La bureaucratie est épinglée ! Bureaux climatisés, attente infinie.

Issa, lui, a trouvé sa vocation : devenir styliste. Talentueux, il a déjà fait des stages, suit des tutoriels, confectionne des tenues pour la mère de Tibi et rêve de se perfectionner chez Madame Plume Blanche.
Issa redoute les résultats du Bac, ayant passé les épreuves avec un Bic marabouté, «  censé résoudre les équations et disserter à sa place » qui l'a laissé en panne. Ce qui suscite /provoque l'ironie de Tibilé : « Dis-moi Issa, Monsieur Nietzsche s'est assis à côté de toi pendant l'épreuve de philo ? ».


L'auteur nous immerge dans la culture Sénégalaise , multiplie les références : Senghor , Kourouma, Youssou N'Dour… ( Liste des oeuvres citées à la fin du livre, ce qui permet d'approfondir ses connaissances).
Il souligne les différentes ethnies : Les Soninkés ( qui se marient entre eux), un Dialo ne se marie pas avec une Sonikée. de même les traditions à table : les femmes ne mangent pas avec les hommes, ce sont elles qui font la cuisine et le ménage.
Il montre le contraste des classes. Si Monsieur Coly, «  the King », possède la concession la plus importante de Dakar, roule en Range Rover, sur les bas-côtés, des vendeurs ambulants tentent de survivre.

L'atmosphère a un côté exotique par l'emploi d'un vocabulaire spécifique : le plat principal « le thiep », assiette de domoda, jus de bissap, la danse populaire : « le mbalax », les coutumes lors des mariages avec le «  housmanta » et le « wakhandé », les fêtes religieuses : «  Tabaski », la mode des chaussures méduses ou « Tic Tic », portées pour aller dans l'eau.

Un récit déroutant, émaillé d'expressions locales ou en wolof  : «  Salamalékoum », « le sacré yalla », «  tomber des Flag », « téranga » ( hospitalité), de proverbes, de termes explicites par le contexte et d'autres dont on devine plus difficilement le sens comme «  essamaye » ou « bismillah ».
Récit scandé par les appels à la prière dont « Timis », l'heure de la quatrième.
Hadrien Bels s'adonne généreusement au name dropping de marques: Cartier, Balanciaga, Hugo Boss, Caron, Célio et aux digressions.

L'auteur recourt aux métaphores : «  le soleil a perdu sa virilité ». Humour, quand les pas de porte sont comparés à « un parking pour claquettes que l'on peut emprunter comme une voiture de location ».
Inattendu ce travelling d'un SMS depuis son départ à son destinataire, qui fait traverser plusieurs strates, un marché, la route des coiffeurs, des petites rues ensablées !
Le récit se clôt de façon endiablée, étourdissante, dans une boîte de nuit, où Tibi la Blanche fête sa réussite avec ses deux acolytes, se projette en France. Une scène qui englobe /absorbe aussi le lecteur avec tous les danseurs qui s'agitent, sur «  la percussion du Super Etoile et la voix de Youssou N'Dour ». On les quitte dans cette ambiance hystérique, au seuil de leur entrée dans la vie d'adulte.
Un récit qui séduira les amoureux du Sénégal et les adolescents qui ont le Bac en ligne de mire !
Commenter  J’apprécie          241



Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}