« le manque est un acouphène : un sifflement presque inaudible mais soudain omniprésent et assourdissant dès quelle y prêt attention. Parfois elle s'imagine aller déterrer les cendres au pied de l'arbre. Elle se voit creuser la terre à mains nues et sentir sous ses ongles des miettes d'os, semblables à des coquilles d'oeufs concassées. »
Claire se débat avec la perte de son père qui vient de se suicider. le deuil est un thème très souvent abordé en littérature, mais dès les premières pages, on est frappé par l'originalité du texte.
Jeanne Beltane ne se contente par de décrire classiquement les tourments intimes de son personnage, elle le fait avec beaucoup de style par le prisme de l'absurde et du fantasque à partir d'un dispositif narratif très inventif.
Ainsi alternent des passages à la troisième personne où Claire raconte son deuil, d'autres à la première personne avec le monologue du père décédé qui commente sa « nouvelle vie », et enfin des extraits du carnet de rêves de Claire, des rêves très aquatiques très souvent hallucinés qu brouillent les frontières entre le rationnel et l'irrationnel, le conscient et l'inconscient aux confins de la réalité.
« Sans qu'elle ait pu s'y préparer, elle traverse à toute vitesse une surface liquide. Elle se débat dans un fluide baveux et chaud qui lui rappelle le ventre de sa mère. Elle n'a bientôt plus d'oxygène et peine à remonter à la surface quand ses yeux croisent un regard. Son père ! Elle en est sûre c'est lui. Elle ouvre la bouche pour l'appeler et son oesophage, ses poumons se remplissent de ce liquide amniotique visqueux. Après plus rien. le vide. »
Il y a incontestablement de très beaux passages. Mais voilà, le texte part dans un espèce de « délire »métempsychotique animiste qui ne m'a pas du tout convaincue. Comme pour toutes les propositions littéraires barrées, soit on adhère soit on adhère pas. Malheureusement pour moi, je n'ai pas adhéré, ne parvenant jamais à lâcher prise pour m'amuser à suivre les déambulations du père après sa mort et à apprécier pleinement la quête métaphysique de Claire qui pose pourtant les questions justes sur le devenir de ceux qu'on a fortement aimés et qui nous ont quittés.
Lu dans le cadre de la sélection 2023 des 68 Premières fois