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Critique de TerrainsVagues


Il y a quelques temps, une critique de Moovanse m'avait fait noter quelque part qu'il fallait absolument que je lise « Laver les ombres » de Jeanne Benameur. Voilà qui est fait.
Au départ, c'est vrai que c'était pas gagné parce que l'histoire d'une chorégraphe… Autant la musique, oui, autant la danse, non… le tutu ne me sied point, quant aux collants, ils me boudinent.
Heureusement, j'ai pris sur moi (bon ça n'a pas été un effort surhumain non plus) parce que, quelle lecture !!!

Laver les ombres, comme l'ont écrit Michfred et Nastie92 dans leurs excellents billets, signifie en photo, mettre en lumière un visage pour en faire le portrait.
Hombre quels portraits !!!

Léa, chorégraphe. Elle danse pour se sentir vivante, pour occuper l'espace. La vie, c'est le mouvement.

« Sa pensée, c'est la vibration. C'est tout.
La justesse du mouvement justifie son souffle sur terre.
Il n'y a pas d'autre façon de vivre.
La concentration totale sur chaque vibration d'archet et une absence tout aussi totale à soi même. Alors seulement quelque chose a lieu.
Elle est en mesure.
Elle respire. La peur reflue.
Elle continue.
A nouveau, peu à peu, elle entre dans l'espace. Elle y a droit. Alors son temps lui appartient. Et elle, elle appartient au monde. »

Bruno, peintre. Il capte le mouvement pour le figer.
Lui, statique. Elle, ne tenant pas en place. La relation est compliquée, comme un défi.

« Elle ne sait offrir au regard que le corps conscient. Même à Bruno. Tenir la pose, c'est s'abandonner. Ce paradoxe, elle ne peut pas. Les peintres attendent le moment du renoncement. Elle le sait. Comme la petite chèvre de M. Seguin, le moment où cesse la lutte. Renoncer à imaginer son propre corps. L'oublier. le confier à celui qui, de l'autre coté, peint. Parvenir juste à habiter le lieu ».

Romilda, mère de Léa. Ombre des ombres, le coeur lourd.

« C'est quoi la peur toujours, la menace dans tes yeux, maman, c'est quoi ? C'est quoi ce que tu avais à me dire ?
La vieille dame redresse le buste. Elle a la tête baissée mais dans le redressement du buste il y a comme un défi.
Léa ne la reconnait pas »

Laver les ombres, comme pour les purifier.

Première ombre, ombre à paupière. Celle présente sous les paupières de Romilda.
Laver les ombres, se libérer des fantômes qui la hantent depuis si longtemps. Démaquiller sa vie.
Deuxième ombre, l'ombre du doute. Celui qui lui fait redouter de perdre Léa. Celui qui la fait hésiter à se libérer d'un poids trop lourd à porter pour terminer sa vie plus sereine.
Et puis il y a l'ombre qui plane sur la vie de Léa. Cette peur liée à l'enfance qui la laisse toujours à la frontière. A l'océan de tous les possibles, elle reste sur le sable.
Enfin la plus terrible des ombres, celle du père, adoré par Léa. Laver son ombre, pas pour le mettre en lumière mais pour s'en délivrer. Pas de portrait pour cette espèce de porc très…
C'est dans un climat de tempêtes intérieures et extérieures (les vents font rage et l'Océan menace dans cette ville côtière) que dansent les ombres.

L'écriture de Jeanne Benameur me fait penser à l'océan. Oui un rythme océanique, des phrases courtes sans fioritures, des mots qui vont à l'essentiel comme une série de vagues. Et puis l'accalmie avant une nouvelle série émotionnelle plus forte encore. Marée haute qui vient lécher nos côtes les plus intimes, marée basse qui laisse entrevoir nos chants de bataille. Et puis cette houle qui serre le coeur, laisse une boule dans la gorge. Les embruns qui viennent mouiller les yeux…
Que j'aime cette écriture, pudique et délicate qui ne se cache pas pour dire l'inqualifiable.

Pas d'hésitation pour l'histoire de Léa, cette danseuse 5 étoiles.

Ps : n'insistez pas, pour le tutu et le collant, c'est toujours NON !!!
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