Ce roman met en scène, à la première personne, Baptiste Bucadal, un tueur en série des plus ignobles. Professeur dans un lycée parisien, il a la cote auprès de ses élèves et dans son établissement de manière générale. Personne n'émet le moindre soupçon sur ses activités criminelles.
Le protagoniste/narrateur, qui a la particularité d'être focalisé quasi exclusivement sur les poitrines volumineuses, nous raconte son quotidien, qui oscille entre les cours qu'il donne au lycée, ses sorties en boîtes de nuit avec ses amis et... les mises à mort, les viols et autres tortures diverses qu'il fait subir aux femmes ou jeunes filles qui ont le malheur de croiser sa route.
A ce niveau, les passages sont descriptifs à outrance. Aucun détail ne nous est épargné, entraînant un grand malaise vomitif. Il faut avoir le coeur bien accroché pour poursuivre (je suis tenté de dire « survivre ») à ces séquences d'horreur indicible, mêlant mutilations ultra-gore, cannibalisme et « snuff films », entre autres joyeusetés.
Ce qui frappe, par ailleurs, dans ce roman est l'omniprésence du vide émotionnel intersidéral dont souffre le personnage principal. Il décrit fort bien, à de nombreuses reprises, l'absence de sens totale dans laquelle il vit. Ce sentiment de non-sens fait écho à celui de la société dans laquelle ce personnage évolue (l'histoire se passe à Paris un peu avant l'an 2000, soit quand le livre a été écrit). Rien, absolument rien, ne peut combler ou réjouir le coeur vide de Baptiste, et ce malgré les centaines de livres écrits par tous les philosophes possibles et imaginables qu'il a pu lire, via ses études universitaires et sa profession.
Certains passages racontent, avec force détails encore une fois, les rêves – éveillés ou non – que fait ce tueur en série. Mentionnons en particulier celui où le professeur s'imagine devant sa classe – ici constituée uniquement de jeunes filles – en train d'enseigner une recette de cuisine cannibale, ou comment cuisiner, je cite, « la salope ». Les divers conseils pour bien assaisonner, bien cuire, etc. donnent un côté surréaliste à la scène, qui, personnellement, m'a fait hurler de rire, j'avoue, tant le décalage est énorme. Un autre rêve – endormi, cette fois, si j'ose dire – met en scène ni plus ni moins que les quatre membres du groupe de musique Metallica en personne ! Les vrais noms sont cités, et les voilà en train de participer aux horreurs sexuelles commises par ce French Psycho. Il faut dire que Baptiste Bucadal est un amateur de metal, entre autres styles musicaux, et cite à longueur de pages ses groupes, albums et morceaux préférés. Slayer revient assez souvent, par exemple.
Ce roman est construit en forme de chute vertigineuse, le vide émotionnel du protagoniste se creuse de plus en plus, celui de la société dans laquelle il vit ne se remplit pas non plus, et ce jusqu'à atteindre des profondeurs abyssales. Cela peut rappeler une citation du film « La Haine » de Mathieu Kassovitz : « C'est l'histoire d'une société qui tombe et qui au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien... le problème ce n'est pas la chute, c'est l'atterrissage... » Sauf qu'ici... Il n'y a pas d'atterrissage. Non, sans spoiler, rien ne semble pouvoir arrêter la trajectoire nihiliste de ce « Prof bien sous tout rapport », qui fait figure d'un électron libre perdu dans le cosmos.
De cet auteur, Éric Bénier-Bürckel, j'avais tout d'abord lu «
Maniac », sorti deux ans après «
Un prof bien sous tout rapport ». «
Maniac », également raconté à la première personne, nous mettait dans la tête d'un personnage atteint d'une maladie mentale de plus en plus aigüe, ce qui lui faisait percevoir le monde de manière de plus en plus fantaisiste, jusqu'à une indicible angoisse. Baptiste Bucadal est quant à lui pleinement conscient de ses actes, par comparaison.
«
Un prof bien sous tout rapport » était un livre complètement hors du commun – des mortels ou des immortels – et après lecture, je ne peux que le recommander aux âmes averties. Les autres passeront leur chemin.
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