AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,26

sur 204 notes
5
30 avis
4
21 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
Aujourd'hui, j'aurais dû vous raconter ma première rencontre littéraire mais non pas en tant que spectatrice mais animatrice. La situation sanitaire en a décidé autrement et faisant fi des regrets de cette rencontre manquée, j'ai décidé de vous parler sur mon blog du roman de Rachid Benzine Dans les yeux du ciel paru lors de la rentrée littéraire de septembre 2020.

Dans les yeux du ciel par Benzine
Je n'ai pas lu les autres écrits de cet auteur et je me jette donc sans le moindre a priori dans cette lecture afin de préparer la rencontre. Carnet et crayon sont à côté de moi – j'ai toujours eu un côté élève sérieuse, et souffrant du syndrome de l'imposteur, j'avais à coeur de bien préparer cette rencontre, j'ouvre le livre et me voilà projetée vers un ailleurs qui n'a pas de nom, vers l'ici de Nour, au coeur d'un pays qui vit les débuts du printemps arabe, d'une révolution qui germe dans ce pays de faux-semblants et d'hypocrisie.

En faisant de Nour son héroïne de son roman, Rachid Benzine choisit un prisme qui pourrait paraître déroutant mais la révolution, la colère ne peut venir que des opprimés, que des exclus et des marginaux. Nour est une exclue, de mère en fille. Fille de prostituée, elle l'est devenue à l'âge de 12 ans et sous le nom de Malika, elle reçoit dans son studio, loin de son appartement et de la vie qu'elle mène avec sa fille, des hommes, emplis de violence, de contradictions, de paradoxes, de mensonges et d'hypocrisie, ceux qui affichent une morale sans faille et qui se paient les services d'une prostituée, ceux qui préfèrent les hommes et que l'on rééduque dans les bras de Nour, ceux qui prennent le corps d'une femme pour un défouloir.

« EN PRÈS DE TRENTE ANS D'EXERCICE, J'AI ÉTÉ LE RÉCEPTACLE DE TOUTES LES FRUSTRATIONS DU MONDE ARABE »

Nour, c'est le corps et l'âme de ce pays qui ne dit pas son nom, c'est le corps colonisé par les hommes comme l'a été son pays, Nour, c'est aussi la lutte pour que sa fille, Selma, échappe à la terrible destinée qui s'est abattue sur elle. Nour, c'est la lumière.

A travers elle et Slimane, son ami, son confident, sa quasi âme soeur, poète et homosexuel, nous vivons les trois temps du printemps arabe, de sa montée en tension à sa réalisation dans la liesse et l'espoir qui ne laisseront la place qu'à la désillusion, aux « lendemains qui déchantent » et au retour à l'ancien ordre – en pire.

C'est aussi le roman miroir d'une société où le patriarcat règne en maître, où la femme n'est rien, si ce n'est un corps soumis aux désirs des hommes. En creux, pourtant Rachid Benzine délivre un message d'espoir pour ces femmes méprisées, oubliées, insultées et violentées. A travers Nour, sa force, son courage, son désir de protéger sa fille, il livre un vibrant hommage à l'éducation et à la lecture :

« ET CETTE INTUITION VENUE DE JE NE SAIS OÙ, QUE L'ÉDUCATION LIBÈRERAIT LES FEMMES UN JOUR »

« J'AI RECOURS À TROIS PURGATIONS : LES CONSEILS DE BEAUTÉ DES CHAÎNES ARABES POUR ME VIDER LA TÊTE, LA PRIÈRE POUR ME PURGER L'ÂME; LA LECTURE POUR NE PAS CREVER »

Plus qu'un roman sur le printemps arabe, Dans les yeux du ciel est une réflexion juste et percutante sur les sociétés arabes, leurs paradoxes, leurs désirs mais aussi leur réalité faite de violence et de poésie.

Construit comme une pièce de théâtre, comme une tragédie plus exactement, ce roman nous emporte par son écriture rythmée, percutante, jusqu'au cri de Nour, ce cri tragique qui émerge du chaos.

En résumé : j'aurais aimé échanger avec Rachid Benzine sur son roman, sur Nour et Slimane, mais faute d'avoir pu réaliser cette rencontre, j'espère que cet article vous donnera envie d'acheter, de lire et d'offrir Dans les yeux du ciel.
Commenter  J’apprécie          90
Que ce portrait de femme écrit par un homme est bouleversant. Une histoire coup de poing, un récit brutal, cru, d'une vérité à la limite du soutenable qui est portée par une langue directe, sans fioritures, sans effets de manche, sans vulgarité, sans trash et qui reste belle et lumineuse.

Il est là le printemps (arabe), il fleurit,
arrive le terrible hiver.


Une femme, un cri de femme, le cri de milliers de femmes. Un corps, le sien, des corps, ceux d'hommes qui touchent et blessent le sien et puis celui de milliers d'autres qui vont crier à leur tour, pour la liberté, pour faire entendre leur voix. Aux lendemains des printemps qui chantaient la liberté arabe s'abat un terrible hiver.


Un portrait de femme saisissant. Un langage direct, cru qui va droit à l'essentiel, qui ne laisse pas le temps de se poser, de respirer. Nour la prostituée - Slimane le poète aimant les hommes - Sous la plume d'un conteur de rue, l'histoire d'amour entre deux êtres déchirés par la vie qui se consolent l'un l'autre et d'une révolution qu'ils pensaient synonyme de liberté et de démocratie.

@@@
- S'émanciper tout en étant exploitées, décidément rien n'aura été épargné aux femmes.

- Place de la Nation, ne lâche pas ma main, il y a de plus en plus de viols. Mais pourtant les manifestants sont unis par.... - Ils ne sont unis par rien et surtout pas par le respect des femmes

- L'hypocrisie est de toutes les obédiences, de toutes les idéologies. le silence, son complice. Les riches sont devenus encore plus riches, les pauvres encore plus pauvres, les tyrans encore plus tyranniques, les sceptiques encore plus sceptiques et les poètes.?

- La sacralisation de la violence est la pire de toutes.

- Comment exister dans un monde d'interdits ?

@@@
Découverte d'un auteur conteur, de l'Orient, du monde Musulman dans ce qu'il a de beau, dans ce qu'il a d'affreux lorsqu'il est détourné pour le paraître, au nom de la parole de Dieu. Portrait de femme. Printemps arabe. Prise de conscience.
Pour la liberté de genre, de religion, de sexualité, de parole.

Petit COUP DE COEUR

- Lecture du 25/08/2020 -


Résumé: "Plongée lumineuse dans l'univers d'une prostituée qui se raconte. C'est le temps des révolutions. Une femme interpelle le monde. Elle incarne le corps du monde arabe. En elle sont inscrits tous les combats, toutes les mémoires, toutes les espérances, toutes les avancées et tous les reculs des sociétés. Récit d'une femme emportée par les tourments de la grande Histoire où se pose une question fondamentale: toute révolution mène-t-elle à la liberté ? "
Commenter  J’apprécie          80
On ne sort pas indemne d'un livre de Rachid Benzine.
Après un Voyage au bout de l'enfance avec le petit Fabien, j'ai suivi le voyage au bout de la liberté de Nour. Être moins que rien, mais libre.
Un cri de douleur m'a accompagnée de la première à la dernière ligne.
Aucun mot n'est à la hauteur pour chroniquer ce roman.
Une écriture crue, osée, dérangeante, mais quel souffle !!!
Du quotidien de Nour, de l'obscénité des hommes, du Printemps arabe, de chaque instant émanent la puissance.

Un roman brillant et tellement nécessaire.
Commenter  J’apprécie          70
L'heure est à sa critique et je ne sais que dire à son propos. Il est agréable, il se lit rapidement, il se dévore même mais - ce fameux mais - je ne sais pourquoi, il ne m'a pas plus emportée. Je ne sais pas ce qui lui a manqué, lui a fait défaut pour que je puisse le considérer comme un « coup de coeur ». Je ne sais vraiment pas. J'ai seulement l'impression d'avoir déjà lu des romans similaires, des histoires où la prostituée est la « vertu incarnée » dans une société sclérosée et minée par une moralité douteuse. J'ai l'impression de connaître le personnage pour l'avoir maintes fois rencontré dans la littérature, cette littérature qui aime voir dans les bas-fond de la société la beauté de l'humanité. Elle y est car il y a parmi les plus démunis, déclassés et marginalisés, un sens de la solidarité mais elle ne leur est pas propre, fort heureusement. La démarche de l'auteur est donc à mon sens un peu trop facile. Il est trop facile, pour contester les régimes totalitaires prétendument laïques et/ou les régimes totalitaires islamiques, de puiser la force de la contestation pure et sincère parmi les plus marginalisés. La nature d'un régime politique dépend de sa capacité – ou de son incapacité – à penser son rapport aux catégories de populations vulnérabilisées (prostitué(e)s, homosexuels, lesbiennes, transexuels etc) dans la société - c'est une certitude –mais d'un point de vue strictement littéraire, je trouve l'exercice un peu trop évident et facile. Sous la plume de Rachid Benzine en tout cas. J'aurais voulu plus de complexité.

Reste que l'auteur a raison de rappeler que la démocratie et les valeurs qu'elle sous-tend est un objectif que se donne à atteindre tous les peuples et que les difficultés que certains éprouvent pour y parvenir n'est pas, comme on l'entend ça et là, dues à leur culture. L'absence de démocratie dans les pays du Maghreb, du Proche/Moyen-Orient, est une réalité qui ne peut s'expliquer à travers le prisme « culturel ». Les facteurs explicatifs sont pluriels et éminemment plus complexes et mérite qu'on les dissèque avec sérieux et minutie, loin des préjugés et de l'essentialisme. 
Commenter  J’apprécie          70
Magnifique roman qui suit le parcours d'une prostituée dans le chaos du printemps arabe.

La plume est magistrale. Les personnages attachants.

J'ai lu ce livre en quelques heures.

A ranger à côté les putes voilées n'iront jamais au paradis de Ch. Djavann.

A lire. Évidemment.
Commenter  J’apprécie          71
Waouh ! Quel souffle, quelle puissance d'écriture ! J'adore quand les auteurs nous bousculent, quand les personnages continuent à vivre dans nos têtes, bien longtemps après avoir fermé le livre.

2011 – Dans un pays arabe, peut-être en Tunisie.
Nour est une prostituée et une fille de prostituée. Comme sa mère, elle n'a pas eu le choix. Quand sa mère est morte, elle avait 12 ans et les militaires l'ont abusée et dressée sexuellement : toujours sourire, rire, et faire tout ce que l'Homme te demande. La violence des rapports est permanente, le ton est cru.

Pourtant cette prostituée est une femme libre et indépendante. Elle vit de ses charmes dans un studio éloigné de sa maison car elle a une fille, Selma, et veut farouchement que Selma ait une autre vie que la sienne. Faire des études, choisir sa destinée.

C'est d'ailleurs une dénonciation terrible de l'inégalité sociale. Car Nour est lucide, sur la puissance des nantis, sur l'inégalité profonde entre les deux sexes :
« Un corps de femme, même le plus beau du monde, c'est toujours une forteresse assiégée. (…) Les hommes l'ont réduit à cela. Une prison qui enferme nos désirs, nos passions, notre fragilité. Celle qui enferme notre intelligence, notre sensibilité, notre créativité. Qui enferme notre honte. »

L'amour, elle ne connait pas, mais elle aime profondément un jeune poète homosexuel, Slimane. Tous les deux se comprennent bien, se réconfortent. Tous les deux rejetés, des moins que rien pour la société qui les entoure.
Slimane représente aussi la part féminine de chaque homme. Que beaucoup voudraient enfouir au plus profond d'eux-mêmes.
N'est ce qu'une amitié pour Nour ?... Car elle va le dénoncer, quand il tombe amoureux d'Amine, afin de le récupérer. Récupérer leur complicité et la douceur de leur affection. « Mon Slimane m'est revenu. Je lui serre aussi les mains. Avec les larmes aux yeux. Et avec le sentiment d'être une pute doublée d'une garce. »

2011, c'est aussi le printemps arabe : « un néologisme vide de sens. Les arabes ne connaissent que l'été et l'hiver. » Tous les deux vont se trouver pris dans la tourmente, remplis d'espoir pour une nouvelle société, plus tolérante. D'autant que Slimane devient l'un des chantres de la liberté avec ses poèmes.
Nour est plus réticente, elle craint que l'islamisme ne remplace le régime corrompu et inégalitaire.

C'est un livre dur, dense, violent. Et pourtant le souffle de liberté avec Nour, avec d'autres femmes, avec Slimane est d'une puissance et d'une beauté absolue. Un contraste parfaitement maîtrisé entre la dénonciation de l'oppression et l'ode à la liberté.

Un livre et un auteur à lire. Car j'avais déjà beaucoup aimé « Voyage au bout de l'enfance » et celui-là est tout aussi réussi.
Merci Rachid Benzine !

https://commelaplume.blogspot.com/
Instagram : commelaplume
Commenter  J’apprécie          66
Rachid Benzine fait ici un très beau portrait: celui de Nour, une prostituée au grand coeur. Elle a subi toutes les avanies possibles et fait tout pour que sa fille ne soit pas obligée d'exercer le même métier, plus tard. Nour est amie d'un poète homosexuel (prostitué aussi). Il faut être très fort pour supporter au quotidien la bestialité de la clientèle; le lecteur lui-même est souvent dégoûté par des situations évoquées d'une manière très crue. Ces deux vies se déroulent dans un pays du Maghreb (vraisemblablement la Tunisie), placé sous l'emprise d'un Etat policier. Ici, tout le monde surveille tout le monde: il faut être très prudent. Mais le printemps arabe va balayer la dictature; les islamistes prendront le dessus, avec leur démagogie et leur hypocrisie. Tout ça finira mal…

Rachid Benzine porte un regard très acéré sur les sociétés arabes, qui sont terriblement mal dans leur peau et incapables prendre leur destin en main. Malgré sa brièveté, ce livre pose des questions importantes. Toutefois, il me laisse une impression assez décourageante, malgré la belle lumière qui émane de Nour.
Commenter  J’apprécie          60
Ce roman est très puissant ! L'histoire d'une prostituée qui décrit sa vie, ses origines, sa fille, son âme-soeur, au coeur d'une révolution dans l'un des pays arabes dans lequel il ne fait pas bon être une femme, et encore plus une femme comme elle. Abandon, espoir, tristesse, cruauté, déception, trahison, tous ces thèmes difficiles font de ce récit un roman très émouvant. Comment garder espoir dans cet environnement si cruel ?
Commenter  J’apprécie          60
A l'heure du Printemps Arabe dans ce pays du Maghreb, il y a eu tant d'espoir au sein des populations opprimées qu'une nation entière s'est mise à croire qu'il suffisait de se débarrasser d'un tyran pour gagner la liberté.
Mais c'était sans compter avec les généraux et leur mainmise sur le pays, ni avec la police et sa corruption endémique et encore moins avec les islamistes et leur candidature plébiscitée aux toutes nouvelles élections présidentielles.
Si l'enchaînement des évènements n'était pas si dramatique, le pied de nez que fait Rachid Benzine à la bienséance et à la morale, en prenant comme témoin de cet événement historique, une prostituée et son ami poète gay, est insolent et courageux.
Ils représentent à eux deux une grande partie des opprimés et en tout état de cause, l'une en tant que femme et l'autre en tant qu'homosexuel, plus de la moitié de la population du pays.
Rien ne m'a plus touchée que la prostitution assumée de Nour, que le courage des insurgés qui se battent pour leur liberté de pensée, ou que la sérénité qu'apporte un islam apaisant aux populations croyantes.
Je suis passée par toutes les sensations en lisant ce court roman, la surprise, l'admiration, le désarroi, la colère, la tristesse. Et au final, je reste profondément marquée d'avoir entraperçu ce puits sans fond qu'est l'intégrisme islamique, qui entraîne les pays musulmans dans une inéluctable régression.
Dans les yeux du ciel est un roman choc que je referme émue aux larmes, face à ces héros ordinaires que l'on regarde, impuissant, sombrer dans l'obscurantisme.
Commenter  J’apprécie          50
Ouvrir ce roman, c𠆞st plonger dans les me〚ndres de la révolution du printemps arabe. Nour est une pute, « chez moi, on est prostitue〞 de mère en fille », comme elle le dit si bien. Auprès d𠆞lle, on prend du bon temps, on se détend, on frappe – parfois, mais on se confesse, surtout. Alors, Nour, elle en sait quelque chose de la révolution, avec tous ceux qu𠆞lle voit de〟iler dans son lit. À ses côtés, pour la soutenir coûte que coûte, il y a Slimane, jeune poète homosexuel qui rêve d’une société libére〞 de tout tyran. Lui aussi, pour survivre, se prostitue.

Tous les deux, ils avancent, main dans la main. A contre-courant. A eux deux, ils représentent tout ce que la société rebute. Une pute et un poète homo, vous imaginez ? Et puis, un jour, Nour dérape et trahit Slimane. le jeune homme est roué de coups et de〜ide alors de se battre pour une société plus juste, plus ouverte. Ce roman, c𠆞st leur histoire.

Mais ce roman, c𠆞st aussi l’histoire d’une révolution et les interrogations qui en de〜oule : notre monde sera-t-il meilleur ensuite ? Aurons-nous, enfin, accès à cette liberté tant désire〞 ?

Tout à tour, Rachid Benzine questionne la place de la femme dans la société musulmane, celle des homosexuels, puis nous parle, d’une beauté distille〞, des dérives politiques, de la corruption de tout un système patriarcal.

Nour se raconte et nous conte, par la même occasion, ce que c𠆞st qu𠆞̂tre femme. Un re〜it poignant et ne𰇎ssaire.
Commenter  J’apprécie          51




Lecteurs (456) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1736 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}