L’individu est tragique. Mais l’individu peut aussi contester cette tragédie et devenir héroïque :l’héroïsme consiste à comprendre que l’accomplissement peut être plus grand que l’individu qui accomplit
28 avril 1955
[...] Je suis un peintre et non un écrivain ou un homme politique ou amant, parce que je trouve un point extrême de perfection dans deux cerises qui se touchent, ou dans la différence de structure entre la jambe d'un cheval et celle d'un homme. Qui peut comprendre ça ? (p. 157)
On arrive quelque part, seul. Alors on veut déballer ses souvenirs, qui sont aussi des rêves, et les accrocher au mur de sa chambre - comme des tableaux. Et, entre chaque tableau , on pense à placer un miroir imaginaire qui reflète son propre visage. C’est comme ça qu’on meuble une pièce avec le passé. Et pour un certain temps, ça peut même être une inspiration. Mais j’ai préfèré - même si je n’avais pas d’argent et si je ne connaissais que quelques mots de la nouvelle langue marcher dans les rues inconnues. Le regard de ceux qui m’ont remarqué - j’étais visiblement étranger - a été un défi et j’ai toujours accepté ce défi.
7 septembre 1954
Quelque part dans le bleu-noir d'un ciel de nuit, il y a un rouge vaincu, un vert vaincu, même un jaune vaincu. Nous devons créer cette vibration non pas séparément dans chaque couleur que nous appliquons, mais à travers le rapport entre les couleurs que nous utilisons sur chaque toile. En terme de couleur nous devons transformer la profondeur en largeur. (p. 145)
17 mars 1954
La société capitaliste est incapable de récompenser l'artiste, incapable de lui assurer un vrai succès. Le coup de chapeau social a le même son que le dernier coup de revolver de Vincent. (p. 134)
10 janvier 1954
Une fois que l'artiste a choisi un sujet, celui-ci cesse d'appartenir à la nature (Goethe). (p. 117)
11 août 1953
...Si vous voulez un tableau d'elle, il faut le peindre vous-même. D'ailleurs, si tous les hommes peignaient leurs femmes, il y aurait davantage de belles femmes. C'est certain.
_ Si je le commençais, vous me le retoucheriez ?
Alors là, Janos a éclaté de rire et a continué à rire, ses tempes rosissant sous les touffes de cheveux.
_ Ecoutez. Peignez-la vous -même. Ou bien sortez-vous cette idée de la tête... ( p. 96 )
21 novembre 1952
C'est ma culpabilité que j'avoue. J'ai fait de moi doublement un émigré. Je ne suis pas rentré dans notre pays. Et j'ai choisi de consacrer ma vie à ma peinture plutôt qu'aux objectifs immédiats. Ainsi je suis un spectateur qui regarde ce à quoi il aurait pu participer. Ainsi je questionne sans fin. Ainsi je risque de réduire dans mon esprit le monde à mes propres dimensions pour découvrir une petite vérité qui est restée ignorée des autres. (p. 82)
26 juin 1952
Ce dont si peu de gens se rendent compte, c'est que le peintre, contrairement à l'écrivain, l'architecte ou le décorateur, est à la fois le créateur et l'exécutant de son art. Il a besoin de deux vies.[...] Dessiner, c'est savoir par la main - c'est avoir la preuve qu'exigeait Thomas. L'esprit de l'artiste, à travers la pointe d'un crayon ou d'une plume, fournit la preuve que le monde est solide, matériel. (p. 61)
23 mars 1952
Un artiste devrait faire ressembler un dédale à une grand route. (p . 44)