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Critique de Henri-l-oiseleur


"L'automne du Moyen-Age" de Johan Huizinga figure parmi les ouvrages de référence dont le romancier s'est servi, et qu'il mentionne à la fin de son volume. Michel Bernard situe au milieu du XV°s l'intrigue de son livre, qui est la révision du procès de Jeanne d'Arc, et sa réhabilitation, après la victoire finale de Charles VII sur les Anglais chassés de France. L'auteur ne décrit pas cette fin de guerre de Cent Ans sous forme de batailles, mais par ses effets sur les campagnes normandes, qu'il évoque magnifiquement, avec celles du Bar ou de Touraine. En revanche, il sait raconter en détail tous les problèmes politiques posés par la victoire finale du roi de France : Paris, la Sorbonne, l'Eglise dans une grande partie, ont collaboré avec les Anglais ; que faire des collaborateurs, que faire de ceux qui ont fait brûler Jeanne à l'issue d'un procès inique ? Au-delà de la question historique, le lecteur d'aujourd'hui saura reconnaître des préoccupations très contemporaines et très modernes, puisque notre passé proche et même notre présent sont pleins de trahisons et de collusions avec l'ennemi, quel que soit son visage.

Ce problème politique met en évidence la personne du roi Charles VII, à la fois grand et sage roi, et pauvre homme esclave de ses passions et de ses peurs. Autour de lui, comme dans tout bon roman historique, on rencontre de hauts fonctionnaires et maints hommes d'église, et aussi Dunois, compagnon de Jeanne et grand guerrier. La grande réussite du roman, toutefois, c'est le personnage du peintre Jean Fouquet, auteur du portrait cruel, réaliste et extraordinaire, du roi Charles, mais aussi de celui d'Agnès Sorel, sous sa première forme de favorite du roi, puis sous les traits de la Vierge allaitante. Michel Bernard, dans ses pages sur la peinture, est réellement très inspiré, et l'on retrouve les accents qu'il avait pour Rodin ou Monet dans d'autres ouvrages.

Mais bien sûr, la figure centrale du roman, c'est Jeanne. Elle est morte, brûlée, ses cendres dispersées. Privée de forme physique, elle est partout présente dans les esprits : dans celui de Fouquet, qui ne peut évidemment la peindre, mais aussi dans celui de ses compagnons qui en vingt ans ont oublié son visage, et en celui des ecclésiastiques qui ont participé à son procès ou à sa réhabilitation : le notaire Manchon, Thomas de Courcelles, qui demanda qu'on la torture, le cardinal d'Estouteville attaché à sa réhabilitation, tous les complices de la parodie de justice, et les exécutants. Jeanne survit sous forme de livre, dans les archives et les minutes françaises et latines de son procès, scrupuleusement notées par Guillaume Manchon qui s'en trouve marqué à son tour. Tous les lecteurs qui enquêtent dans ce gros livre, surtout des ecclésiastiques, entendent clairement sa voix, ses réponses pleines de bon sens et d'humour, son accent. On pourrait avancer que le personnage principal du roman, c'est le livre où sont consignées ses paroles. Vers la fin du récit, on se rend compte qu'elle est, proprement, la voix de la France qui continuerait de résonner même après la destruction de son corps.

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