Louise est mon rayon vert, une femme- dune du désert, façonnée par le vent des énergies et des émotions, jamais semblable, lisse, longue, mobile et sinueuse ou à l’inverse, ramassée et étrangement angulaire. Je ne me lasse pas de la regarder, rien n’arrête ni ne fixe mon regard, Louise est à perte de vue. Un rêve éreinté qui renonce à l’éveil.
Faire l’amour à Louise n’est pas apaisant, seul l’instant qui suit l’orgasme me précipite dans un abîme dans lequel je m’absente totalement amorphe, tombé aux portes du néant. Un assouvissement juste organique, un repos de vaincu alors que j’aurais voulu goûter à la victoire de la douce quiétude.
Son œil noir me fixe dans la pénombre de la chambre. Je feins de dormir encore et surveille sous la frange de mes cils sa tête d'ange renversée au- dessus de mon flanc. Contempler Louise est devenu la grande affaire de ma vie. Je n'ai finalement d'autre ambition que celle- ci. Guetter la marbrure sur son cou.
C'est ainsi que Louise et la lune ont fait basculer ma vie dans l’obsession, un au- delà dont je ne soupçonnais même pas l'existence, un monde parallèle que borne ma crétinerie. L’amour n’est peut- être que cela, la contemplation de l’être aimé jusqu’au bord de l’équilibre.
Tout ce qui ne se conçoit pas dans mon ventre végète comme un arbre mal planté. Ma tête sert à cultiver ce qui a germé dans mon corps.
Il y a une fissure en toute chose. C’est par là qu’entre la lumière.
Léonard Cohen
La relation amoureuse avec Louise n’a pas de sens si elle n’est pas une expérimentation physique et chimique, une quête de connaissance, d’elle et de moi, une extraordinaire histoire.
Que sais- je de son ventre qui s'ouvre immense comme celui de l'océan pour la perdre dans ses lames de fond, la bousculer dans les remous des déferlantes dans lesquelles elle se plait à jouer ? Elle ne jouit pas de moi, elle jouit d'elle par moi planté dans son corps cabalistique.
Ca l'excite d'évoquer ma mort. Elle baise avec philosophie, la vulve gloutonne, les yeux plus grands que le ventre, elle masse ma hampe dans le hammam de sa gangue incendiaire. Elle me raconterait des atrocités que mon sexe ne faiblirait pas dans cette ventouse velouteuse.
C'est quoi le temps, insiste- t- elle ? Les cheveux en bataille, elle dessine de son index le pourtour de mes lèvres alors qu’elle murmure la cadence, une heure, vingt quatre heures, trente jours, un mois, un trimestre, une saison, un an, un siècle. Ad vitam æternam. C’est très sexy, sa voix change lorsqu’elle fait l’amour, ses doigts s'envolent en paresseuses volutes dans l'éternité alors que les miens agrippent ses hanches pour me chausser plus encore dans ses soies. Elle repousse mes mains et ondule au rythme des cycles qu'elle me décrit avec une lenteur hypnotique entraînant mon sexe emprisonné dans cet indolent tourbillon comptable.