Nos âges ne veulent plus dire grand-chose... Plus personne ne nous prend pour des enfants, rien d'autre n'a vraiment d'importance. Les gens d'ici nous font confiance, nous écoutent quand on parle qu'on a beaucoup marché. Comptent nos âges à la texture de nos pieds.
T'aimer m'a rendu plus fort, et ça me tue parce que je voudrais être plus fort par moi-même, sans avoir besoin d'aimer quelqu'un pour ça. Je sais pas si ça me plaît, que tu sois ma force, parce que je sais pas si j'ai envie d'avoir ma force qui marche ) côté de moi, je sais pas si c'est vraiment une force si tu peux la faire disparaître avec une balle dans la tête ou une explosion ou un raz-de-marée. Je sais pas si je veux d'une force aussi vulnérable.
L'Amérique a toujours su produire son lot de légendes et de mythes, mais la vérité c'est que par les temps qui courent, tout est devenu possible.
- S'inquiéter, c'est souffrir deux fois.
- Lao Tseu ?
- Non, le type des Animaux fantastiques.
- T'es comme lui, je dis.
- Comme qui ? Toby ?
Non, pas Toby. Enfin si, Toby. Un peu. pas que. Je me mets sur les genoux pour m'approcher, et je touche sa tête.
- Comme Matou, là, je dis.
Et puis je touche sa bouche.
- Comme Kiran.
Et ses bras.
- Comme Charly.
Et son cœur.
- Comme Toby.
- J'ai un loup dans le cœur ? il chuchote parce que nos visages sont tout près.
Je hoche la tête, et cette fois il rit avec moi, un petit rire avec des yeux écarquillés, comme quelqu'un qui voit la neige pour la première fois.
- Trop cool.
On se replie. Y a que ça à faire. C'est pas notre faute. C'est pas la leur non plus. C'est la faute à personne, c'était inévitable. Ils ont faim, on a faim, et on est des humains. Ça peut pas se finir autrement.
Le ciel ressemble à un lac avec plein de lumières qui se reflètent dedans. Peut-être que c'est ça, en fait. Peut-être que le ciel est un lac qui reflète les lumières de la terre, les feux de tous les camps, les bougies, les lampes de poche.
Pourquoi est-ce que c'est si important ? Pourquoi j'insiste, comme ça, juste pour gagner du temps et des vies, deux ou trois vies, un ou deux jours ?
La réponse se glisse entre ma conscience et mon âme, comme un chuchotement issu de partout à la fois. Elle me lâche et je fais un pas en arrière.
- Parce que je refuse de croire que j'ai survécu à tant de choses juste pour devenir un meurtrier.
C'est pas une gosse, c'est un courant d'air.
— Toi et ta petite bande vous êtes des putain de cafards increvables, lui souffle-t-elle à l’oreille.