Citations sur Apocalypse blues, tome 2 : Le crépuscule du monde (16)
On a bousillé cette planète, cette inondation sans fin, cette invasion de moustiques, cet été si long, c'est le retour de bâton. On sait qu'on va dans le mur depuis si longtemps, et on n'a pas bougé, on a juste attendu que ça arrive... Je suis désolé. On aurait dû mieux préparer le monde dans lequel tu es né, pour toi.
On est si minutieux quand on prépare la chambre d'un enfant à naître, comme s'il allait y vivre pour toujours. On en oublie qu'avant de le mettre dans sa chambre, on le met au monde.
On va se rattraper, c'est promis. On ira vivre à la campagne, on triera nos déchets, on mettra des panneaux solaires sur le toit. On fera attention, à partir de maintenant, c'est promis.
Je me laisse tomber sur le dos, la tête contre mon sac, en réprimant un grognement. J'ai le cœur dans la gorge, si j'essaie de parler je vais le cracher dans mes mains. Je veux pas en parler, pourquoi c'est si dur à comprendre ?
Le narrateur est Tobias :
Nos respirations montent en blanc vers le plafond.
Camille n’aura pas froid. Si elle a froid, je tuerai Sarabe pour l’habiller avec sa peau. Si elle a faim, je lui donnerai à manger. Je chasserai pour elle. On restera dans la voiture avec les loups. On se tiendra chaud. Si mon frère meurt de froid, on le mangera.
Mes mâchoires claquent. Je ne veux pas que mon frère meure.
Mais s’il meurt, on le mangera.
On mangera Kiran. On mangera Charly.
Je ne veux pas que mon frère meure.
Je sais pas pourquoi.
- Tes parents sont vivants quelque part. Ils t’attendent. Tu es le seul d’entre nous qui peut se dire ça, Charly.
- Puisse.
- Ta langue n’a aucun sens.
Pendant une seconde, je crois l’entendre rire tout bas. J’ai dû rêver. Il serre ma main une dernière fois, puis me lâche. Je glisse la mienne sous mon oreiller.
- Dono bad, Kiran.
C’est mon tour de rire sous cape.
- Dhon-no-baad, je corrige. De rien, mon ami.
Moi aussi, j'ai de la pluie dans les yeux.
J'en apprends tous les jours : apparemment, quand t'es un bébé, tu peux pas bouder plus de soixante secondes. C'est mathématiquement impossible.
- Charly ?
- Quoi encore ?
- Pourquoi t'as plus qu'une jambe ?
- Parce que l'autre s'est barrée. Je lui cassais les couilles.
Je n'ai pas peur. Je suis un loup. Les loups n'ont peur de rien. Le monde a peur des loups.
- L'océan, reprend Charly, c'est comme le lac, mais beaucoup, beaucoup plus grand, salé, et ça fait des vagues.
- Salé comme quand on pleure ?
- Oui, si tu veux.
- C'est quoi des vagues ?
Cette fois elle lui pose une colle. Mais pas à Matthew qui sourit et répond !
- C'est quand l'océan se met debout, s'enroule sur lui-même, et se brise en chantant.
Les mecs trop serviables ça me fout la gerbe parce qu'ils sont jamais vraiment serviables, juste intéressés par un truc. Ne pas savoir ce que c'est, c'est comme perdre de vue une araignée alors que t'es sur les chiottes.