Une histoire de solitude et de rejet, mais aussi de courage et d’une grande force intérieure dans son nouveau roman, Le cœur gros.
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J’ai décidé d’annoncer à ma famille mon nouveau statut. Je n’ai rien à cacher, après tout. Y a pas de quoi avoir honte. En tout cas, je n’ai pas l’intention de passer par quatre chemins. J’ai trouvé l’amour, voilà ce que je vais leur dire. Aussi simplement que ça. À moins que je ne décide d’y aller d’un enthousiaste Je suis follement amoureuse, ou, peut-être encore mieux, d’un triomphal et solennel Eh bien voilà, c’est fait, j’ai rencontré l’homme de ma vie. Ce qui risquerait de les assommer d’aplomb, si vous voulez mon opinion, considérant mon jeune âge, d’abord, et aussi le peu d’intérêt que j’ai démontré jusqu’ici pour les garçons.
La vie appartient à ceux qui mordent dedans à pleines dents, voilà ce que j’en pense. Pas à ces casse-pieds de Spartiates, qui, comme les copines de maman, grandes adeptes de yoga et de végétarisme, touchent à peine à leur assiette sous prétexte de se préparer une vieillesse en santé. Et puis, on est ce qu’on mange, à ce qu’il paraît. Alors quand tout ce que tu picores, c’est trois amandes et deux feuilles de romaine entre deux cubes de tofu rôtis à sec, ne va surtout pas t’étonner de n’intéresser personne.
La mort offre souvent à ceux qui ont vécu toute leur vie sous le radar leur seule chance de briller ici-bas, à plus forte raison quand leur agonie s’éternise. Les fameuses quinze minutes de gloire dont parlait Warhol, a déjà dit papa, certains d’entre nous ne l’ont que comme une cerise sur le sundae. Car voilà qu’en mourant, ceux-là prennent de l’étoffe. Que de nobodies qu’ils furent ils deviennent soudain inoubliables, héroïques et vertueux du simple fait d’avoir cassé leur pipe.
Maman nous annonce que ce soir, nous irons tous en famille déguster notre premier cornet de la saison. Je me demande bien comment je pourrai tenir jusque-là sans mourir d’impatience. J’ai l’eau à la bouche rien que d’y penser. Certaines attentes sont plus cruelles que d’autres, faut croire. En tout cas, j’ai intérêt à trouver de quoi m’occuper les papilles gustatives d’ici là si je ne veux pas pér
La vérité, c’est que tout pâlit devant l’amour, tout s’incline en reculant d’au moins un pas, comme le font les manants sur le passage de leur roi. Il m’a fallu moins d’une nuit pour comprendre ça, à peine quelques heures pour saisir l’ampleur de la secousse qui a viré sens dessus dessous toute mon existence. L’amour, c’est l’argument massue contre lequel personne ne peut rien.
Lecture d'un extrait du roman "Centaure" par son auteure, Valéry Meynadier accompagné de Dominique Bertrand à la flûte Shakuhachi lors de la rencontre de Chèvre-feuille étoilée à l'espace l'autre livre, le 16 février 2016, 13 rue de l'école Polytechnique à Paris.