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Critique de willymjg


Le cauchemar. 11 mai 1974, sous le gouvernement de Perón.
L'homme à la fine moustache à la chinoise tire à bout portant avec son pistolet-mitrailleur, blessant mortellement le Père Mugica et touché deux autres personnes au passage. Julia n'avait pu conjurer le sort. Quelques heures auparavant, le serviteur de l'Eglise la saluait encore comme tous les jours depuis un mois, en lui faisant un clin d'oeil. Il était de très bonne humeur. – Ne t'inquiète pas pour moi, lui avait-il dit. C'est une trop belle journée pour que ce soit ma dernière…
Julia prit le chemin de la maison, les larmes lui collaient des mèches de cheveux au visage qu'elle n'essayait même pas de dégager. Mama Fina lui nettoya les joues. Elle la regarda droit de ses yeux clairs : - « Tu as fait tout ce qu'il fallait. – Non, j'aurais dû être là… ».
Julia revivait les tremblements prémonitoires de sa dernière vision. le déclenchement presque instantané de son troisième oeil : un homme robuste affublé d'une petite moustache taillée, debout devant elle. Il portait une parka marron et un pantalon noir, le corps à moitié caché derrière une Renault bleue. L'homme était en train de vider sa mitrailleuse 9 mm sur elle. Sous le choc, Julia vit les jets de sang qui giclaient vers l'avant alors qu'elle s'observait en train de tomber par terre. Elle eut le temps d'apercevoir l'homme à la moustache monter à l'avant d'une Chevrolet verte qui démarrait en trombe.
Mama Fina ne la laissa pas s'embourber un instant de plus. – « Nous sommes seules, ma Julia, il n'y a aucun mode d'emploi. Avec ou sans don, nous sommes tous confrontés à la condition difficile de vivre dans la conscience de notre propre mort, alors que nous nous croyons éternels. S'affranchir de l'entrave du temps, est un désir ardent pour tous. Or toi et moi savons, de façon empirique, qu'il y a des portes de sortie, une libération possible ».
Automne boréal, 2006. Julia est heureuse et se laisse envahir, remplissant tout son être de ce vent voyageur, humant son air piquant à pleins poumons. Elle le reconnaît avec son parfum de sel et de bitume. Cet air du Connecticut ressemble étrangement à celui du Buenos aires de son enfance. Peut-être est-il moins cordé, moins dense, plus raffiné. Elle sait d'expérience que la mémoire encapsule l'essence des choses d'une façon capricieuse. le présent semble souvent plus fade que les souvenirs.
Ingrid Betancourt nous plonge dans l'histoire magistrale de cette jeunesse idéaliste et révolutionnaire de l'Amérique Latine des années 60 et 70. Où Julia, dès l'âge de cinq ans, doit interpréter des visions, des scènes de l'avenir, comprendre leur interprétation. Ce don précieux mais combien encombrant, elle découvrira l'avoir hérité de sa grand-mère Josefina avec qui elle balisera ses cheminements.
Chasse aux opposants, emprisonnements, tortures, disparitions animaient précédemment « Même le silence à une fin » le récit de la captivité de l'auteure dans la jungle. L'écriture de « La ligne bleue » ira plus loin et davantage en profondeur dans la reconstruction de l'individu après le traumatisme : privation de liberté, chantages, sévices, isolement. Disparition de tout lien avec les familles, les amis, le pays. Et surtout, comment reconstruire des relations amoureuses avec l'être aimé qui a survécu de son côté à d'autres épreuves et d'autres traumatismes. Théo qui n'a plus jamais eu de foyer, ayant vécu tout ce temps comme un juif errant…

Lien : http://lesplaisirsdemarcpage..
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