Rencontre à la librairie La Galerne, autour de Même le silence a une fin.
J’aime passionnément vivre, je n’ai pas envie de mourir. Tout ce que je construis en Colombie, c’est aussi pour avoir le bonheur d’y vieillir. Pour avoir le droit d’y vivre, sans craindre le malheur pour tous ceux que j’aime.
Je me suis souvenue alors de ce passage de la Bible qui m'avait frappée lorsque j'étais en captivité. C'était un cantique de louanges à Dieu dans le livre des Psaumes, qui décrit toute la dureté de la traversée du désert. La conclusion m'avait paru surprenante. La récompense de l'effort, du courage, de la ténacité, de l'endurance, n'était pas le bonheur ni la gloire. Ce que Dieu offrait en récompense, c'était le repos.
Elle aime cette mesure qui l'entoure : les arbustes soignés des jardins d'en face, l'alignement consciencieux d' ormes bordant l'avenue perpendiculaire à la plage, la haie et la pelouse qui encadrent le sable fin tel un rempart s'étirant parallèle aux vague, et l'horizon comme un trait tiré de bout en bout.
Cet ordre lui correspond. Elle a finit de tout ranger dans sa vie. Elle est à sa place, dans la destinée qu'elle a choisie, avec l'homme qu'elle aime depuis toujours. Julia se sent comblée.
Elle contemple l'azur au dessus de son érable. Le bonheur est bleu. Horizon bleu, eau bleue.
Une toile de Mark Rothko, se dit-elle en formant un cadre avec ses doigts.
Elle aimerait suspendre ce tableau devant elle pour se souvenir que le bonheur est la, a portée de main.
-Ma chérie ! Ne juge pas. Personne ne connaît la soif avec laquelle un autre boit.
- Pour Lopez Rega, éradiquer la pauvreté et la faim c'est éradiquer les pauvres...On s'imagine que les personnes qui vivent dans la misère sont différentes, avec d'autres sentiments puisqu'elles se sont habituées à l'indigence. Elles nous gênent parce qu'elle abîment l'esthétique de la capitale. De fil en aiguille, on oublie que ce sont des êtres humains; De là à les mettre dans des camps de concentration, il n'y a qu'un pas.
Envahie d'angoisse, Julia ne voulait plus en parler. Elle savait que le doute est un poison mortel. Mama Fina l'avait mise en garde contre la tentation d'exprimer ses appréhensions en public car, disait-elle, l'énergie portée par les mots pouvait transformer nos craintes en réalité.
Raconter certaines choses, c'est leur permettre de rester vivantes dans l'esprit des autres, alors qu'il nous paraît finalement plus convenable de les laisser mourir à l'intérieur de nous-mêmes.
La conclusion m'avait paru surprenante. Il était dit que la récompense de l'effort, du courage, de la ténacité, de l'endurance, n'était pas le bonheur, ni la gloire. Ce que Dieu offrait en récompense, c'était le repos.
avril 2004. L'arrangement que nous avions conclu m'enchanta. Je programmai mes journées de façon à consacrer tous mes après-midi à la lecture et prenais un soin particulier à déposer le livre à 18 heures précises sur son étagère. J'avais appris que c'était sur ces tout petits détails que nous nous jugions entre nous et, plus encore, que se bâtissaient les amitiés ou que s'allumaient les conflits. La promiscuité à laquelle nous étions condamnés nous exposait au regard incessant d'autrui. Nous étions sous la vigilance des gardes, certes, mais surtout sous la surveillance impitoyable de nos compagnons de captivité.
- Promets-moi que, lorsque tu seras dans ta vie, tu ne m'oubliera pas.
Il (Marc) me regarda comme s'il venait de prendre des repères dans le ciel, et me confia en hochant la tête :
- je saurais où te trouver.