Je me suis souvenue alors de ce passage de la Bible qui m'avait frappée lorsque j'étais en captivité. C'était un cantique de louanges à Dieu dans le livre des Psaumes, qui décrit toute la dureté de la traversée du désert. La conclusion m'avait paru surprenante. La récompense de l'effort, du courage, de la ténacité, de l'endurance, n'était pas le bonheur ni la gloire. Ce que Dieu offrait en récompense, c'était le repos.
Raconter certaines choses, c'est leur permettre de rester vivantes dans l'esprit des autres, alors qu'il nous paraît finalement plus convenable de les laisser mourir à l'intérieur de nous-mêmes.
La conclusion m'avait paru surprenante. Il était dit que la récompense de l'effort, du courage, de la ténacité, de l'endurance, n'était pas le bonheur, ni la gloire. Ce que Dieu offrait en récompense, c'était le repos.
J'ouvrais les yeux à l'importance de s'exercer à rester humble où que la roue de la fortune vous ait placé. Il avait fallu que je sois en bas pour le comprendre.
- Promets-moi que, lorsque tu seras dans ta vie, tu ne m'oubliera pas.
Il (Marc) me regarda comme s'il venait de prendre des repères dans le ciel, et me confia en hochant la tête :
- je saurais où te trouver.
« Je comprenais maintenant que la vie nous remplissait de provisions pour nos traversées du désert. »
avril 2004. L'arrangement que nous avions conclu m'enchanta. Je programmai mes journées de façon à consacrer tous mes après-midi à la lecture et prenais un soin particulier à déposer le livre à 18 heures précises sur son étagère. J'avais appris que c'était sur ces tout petits détails que nous nous jugions entre nous et, plus encore, que se bâtissaient les amitiés ou que s'allumaient les conflits. La promiscuité à laquelle nous étions condamnés nous exposait au regard incessant d'autrui. Nous étions sous la vigilance des gardes, certes, mais surtout sous la surveillance impitoyable de nos compagnons de captivité.
Je savais que la situation que je vivais était une opportunité que la vie m'offrait pour m'intéresser à des choses qui me rebutaient d'habitude. Je découvrais une autre façon de vivre, moins dans l'action et plus dans l'introspection. Incapable d'agir sur le monde, je déplaçais mon énergie pour agir dans "mon monde".
- Promets-moi ...que tu sera heureux, Lucho. Je ne veux pas que tu abîmes le bonheur de ta libération en ayant de la peine pour moi. Je veux que tu me jures que tu vas mordre dans ta vie à pleine dents.
- je te jure que je ne cesserai pas, une seconde de ma nouvelle vie, de travailler pour ton retour, voilà ce que je te jure !
Ayant perdu toute ma liberté et, avec elle, tout ce qui comptait pour moi; éloignée par la force de mes enfants, de ma mère, de ma vie et de mes rêves; le cou enchaîné à un arbre, sans pouvoir bouger, ni me lever, ni m'asseoir, sans avoir le droit de parler ou de me taire, de boire ou de manger, ni même d'assouvir librement les nécessités les plus élémentaires de mon corps; dans la condition de la plus infamante humiliation, je conservais quand même la plus précieuse des libertés, que personne ne pourrait jamais m'ôter : celle de décider qui je voulais être.