J'ai réalisé que nous avions de la chance, nous, de pouvoir être avec nos mères quand elles meurent.
Comme c'est étrange, ils m'ont dit "Tu vas perdre une journée de ta vie dans le vol entre Buenos Aires et l'Australie". Quel jour ? Le 6 juin, l'anniversaire de la mort de Ma. Et je me suis dit "Ca, c'est une journée que je serai ravie de perdre".
C'est drôle mais voilà, toi mon journal es mon seul ami, le seul qui depuis des années supporte mes plaintes et mes complaintes. Tout le monde dit que je suis gentille, brave, c'est pas vrai. J'ai passé ma vie à faire des choses uniquement pour qu'on m'aime.
Je nourris Lou toutes les trois heures. Ça me fatigue, mais au fond j’adore ça, de l’avoir à moi, à moi, tout bébé, toute hurlante, affamée. Je peux la calmer, lui donner du lait. Quel plaisir immense d’être si nécessaire et si capable. C’est si court, ce moment. Je sais que dans un mois je n’aurais plus ce droit, le moment où je prends ma Lou au milieu de la nuit, elle cherche comme un bébé chien et elle trouve. Ça fait un peu mal, puis tout est calme, doux. Une idée de transfusion, mais paisible et heureuse.
(...) il y avait une réaction un peu comme Groucho Marx qui a répondu, quand on lui demandait "Qu'est-ce que ça vous fait d'être grand-père ?" : "Je ne m'habituerai jamais à être marié à une grand-mère !"
Lou a fait un bruit humain ! Lou a émis un gargouillement dans sa gorge, un distinct signe de plaisir. Je suis aussi excitée que Newton et sa pomme. Bébé Lou n'est plus animale, elle est enfin entrée dans le royaume des enfants.
Je suis capable d'émouvoir les gens parce que j'ai entre les mains ces chansons magnifiques, les mots qui touchent, c'est peut-être là qu'intervient le public...
Prise de mélancolie je ne croyais plus à la vie, alors j'ai cherché la guerre et là-bas j'ai appris, on m'a donné une généreuse leçon sur le fait de profiter de la vie.( Sarajevo 1995)
Des joies simples, peut-être les meilleurs, nager ..dans les eaux congelantes de Bretagne, très exhilarant( Bretagne 2004)
J’ai été si malheureuse qu’une soirée, seule, j’ai hurlé comme une femme qui accouche par terre dans la cuisine de la rue de la Tour. J’ai été sauvée par Charlotte quand elle est revenue de chez Serge, sauvée par sa compagnie et réchauffée, elle m’a rendue sereine, seule à la maison avec elle, contente de notre complicité, quel bonheur, comme de dormir près d’elle sur la montagne hier.
On part. Au revoir aux garçons. On traverse les champs. Il pleut sur Mostar, ville ravagée aux ruines misérables. Pas un toit, pas un mur sans vérole. Il pleut sur Mostar et c’est bien, le temps qu’il fait. Des cabanons et les gens marchent sans courir, ce n’est plus la guerre. Prise de mélancholie je ne croyais plus à la vie, alors j’ai cherché la guerre et là-bas j’ai appris, on m’a donné une généreuse leçon sur le fait de profiter de la vie. Là-bas, j’ai trouvé la paix, aussi étrange que ça puisse sembler. Survivre. Professeurs et étudiants avec cette envie de partager leur connaissance. Donner, donner, cette élégance, cet effort de dignité. J’ai eu peur, j’ai pleuré, pour moi, pas pour eux, c’était mesquin. Est-ce que cette situation d’urgence les a rendus plus beaux ? Est-ce qu’on pourrait plus ne plus s’habituer à la vie normale ? Chaque mouvement de doigt était urgent là-bas, panique, j’ai pensé à moi pour la première fois en six jours, le cœur en paix, le cœur s’emballe, une voiture chic, BMW, c’est fini, on est loin. Puis non, c’est pas vrai, j’ai sursauté quand une hirondelle a plongé devant nous, sur la route, qu’elle ne meure. Ce serait trop bête, je veux tenir à la vie, à l’hirondelle.