All I want for Christmas

- Aussi mauvaise danseuse que dans mon souvenir s'esclaffa-t-il. heureusement que tu sais cuisiner!
- Je me suis dit que c'était certainement plus utile en cas de guerre nucléaire !
- Entièrement d'accord. C'est ce que je me suis dit en devenant ton ami : que tu me serais forcément utile d'une manière ou d'une autre.

Je me suis découvert tour à tour inquisiteur, méfiant, jaloux et ultra-protecteur. Chaque homme qui regardait Emma devenait un ennemi, chaque sourire qu'elle adressait à un autre était une trahison monstrueuse, chaque soirée où nous étions séparés était un enfer.

Tu m’effraies. Emma, je peux avoir tout le courage du monde, toute la confiance du monde, toutes les offres de boulot possibles… Mais curieusement, c’est toi qui fais que ma journée est…Parfaite.

Yann arriva juste derrière moi , d'un pas vif et alerte qui me renvoyait à mon état de délabrement .
- Viens t'asseoir, proposa -t-il en visant deux strapontins sur la gauche.
- Aucune chance que je puisse me relever .
- Tu veux que je te raccompagne jusqu'à chez toi?
- Tout ira bien . Je vais juste prendre une douche et ensuite aller mourir dignement au fond de mon lit.

Je posai les paumes sur son torse et redressai la tête. Il s’écarta et, dans la seconde, l’ambiance changea. Le crépitement presque électrique disparut et son regard s’égara sur un de ses dossiers. Je me raclai la gorge et contournai le bureau.

— Thomas m’a accompagnée ici, lançai-je, en espérant démarrer une conversation normale.

— Je crois que tu lui plais, dit-il avec une pointe d’agacement.

— Il est simplement prévenant.

— Il te drague !

Je m’assis dans un des fauteuils, rapidement imitée par Yann. Il rangea ses dossiers, évitant sciemment mon regard.

— Il ne m’a pas offert de nems, plaisantai-je.

— Pas encore.

— Tu crois qu’il finira par le faire ?

— Je crois qu’il serait stupide de ne pas le faire.

Le décalage de notre conversation ne m’échappa pas. Alors que je plaisantais sur le sujet, Yann était d’un sérieux absolu, empilant ses dossiers les uns sur les autres. Il fronça les sourcils et, s’armant d’un stylo, signa plusieurs documents.

– Pourquoi fait-on ça déjà? demandai-je à Julie en prenant une gorgée de ma bouteille d’eau.
– Officiellement?
– Parce qu’il y a une version officieuse? M’alarmai-je, presque scandalisée.
– Oui. Et elle est pire que la version officielle. Officiellement, nous devons nous entretenir et faire en sorte de ne pas mourir avant la ménopause.
Je fis la moue, sentant la transpiration ruisseler désagréablement dans mon dos. Mon débardeur était trempé et je redoutais déjà l’instant où je devrais retirer mes baskets. J’enlevai mon haut humide et enfilai un T-shirt informe, mais sec. Julie ajusta sa longue queue-de-cheval, m’offrant un clin d’œil complice.
– Et officieusement?
– Je présume que jouer dans le remake de Sauvez Willy ne te branche pas spécialement? Sourit Julie en poursuivant ses ultimes exercices d’entraînement.
– Évidemment que non. mais comment expliques-tu que ce cours soit suivi exclusivement par des femmes? continuai-je alors qu’elle tentait, avec une réussite insolente, s’enrouler ses mains autour de ses chevilles.
– Les hommes bricolent, les femmes font de l’aérobic, souffla-t-elle en étirant son dos.

Il y eut un échange de regards entre Thomas, Yann, Laura et moi. Julie, plongée dans son café, ne vit rien et attendait une version de l’histoire. Une version expurgée de ma robe de soirée, de ma danse avec Yann et de notre petit secret sur le point d’exploser.

Cette fois, c'est moi qui l'ai attirée dans mes bras. Je voulais la sentir, enregistrer son parfum garder sa chaleur. Elle allait me manquer et ma gorge s'est encore plus douloureusement asséchée.

- Je veux... être avec toi, soufflai-je sur ses lèvres.
- Je t'aime, Emma.
- Je t'aime aussi.

— Grégoire sait, m’informa-t-elle.
— Je m’en doutais ! Pourquoi ne peut-on pas garder un fichu secret dans cette bande ?
— Emma, je…
— Enfin, c’est dingue ! m’exclamai-je en commençant à arpenter la pièce nerveusement. On ne voulait pas se cacher… juste… prendre notre temps pour l’annoncer.
— J’en ai conscience, Emma. J’ai tout fait pour…
— Oh ! Arrête, je sais comment fait Grégoire pour te soutirer des informations.
— Evidemment que tu le sais, rétorqua-t-elle en riant, Yann lui a appris sa technique ! J’ai mis des semaines à apprendre à lui résister ! Cela étant dit, je n’ai pas eu le choix, Emma.
— Pas eu le choix ? Tu as pourtant réussi à te contenir au café, devant Julie et Thomas !
— Me contenir ? Parlons-en ! Grégoire a vu l’Audi de Yann en venant.
Je me figeai, rougissant cette fois jusqu’à la racine des cheveux. Laura leva un sourcil, démontrant ainsi le ridicule de mon emportement. Je me tordis les mains, cherchant une explication rationnelle.
— Nous… changions de radio, soufflai-je, mortifiée.
— Je cite Grégoire : « Les vitres étaient pleines de buée, ambiance Jack et Rose dans Titanic. » Il m’a même chanté du Céline Dion.
— Il nous a vus ? chuchotai-je, avec l’envie furieuse de me planquer sous le lit.
— Il a vu la voiture. Et j’ai vu vos visages à la porte et, crois-moi, Céline chantait derrière vous à tue-tête.
— Et on fait quoi maintenant ?
— Maintenant ? On va décorer le sapin, proposa-t-elle en se levant.