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EAN : 9782493872005
96 pages
Fables fertiles (10/04/2022)
5/5   4 notes
Résumé :
Une narratrice hantée par un récit commun aux multiples diffractions, confrontée à l'image d'une certaine Eléonore, tel un double avec qui elle est confondue et qui, avant de mourir, a écrit, sous le couteau, une oeuvre sublime. A l'instar ­d'Eléonore, la narratrice se met à rédiger le récit de sa future exécution. Stupeur de trouver un jour sur le trottoir un roman ­magnifique, écrit par elle-même vingt ans auparavant...
La nuit est toi est un récit sur le t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"La nuit est toi' Claire Boitel. Editions Fables Fertiles. 2022

Je viens de finir le livre de Claire Boitel " La nuit est toi" paru aux Editions Éditions Fables Fertiles Comme à chaque fois que je veux donner mon avis, je m'impose momentanément de ne pas lire les recensions faites par d'autres.

Alors, allons-y : tout d'abord, poésie. Et de la meilleure : tranchante, en arêtes saisissant le dur comme le mou, la lumière, le ciel pour les révéler dans des visions surprenantes, sans concession, où il est assuré que ce que l'on voit, sent, parle, touche, participe du grand corps infecte et magnifique de ce monde sur lequel se culbutent nos mots. Il n'y a pas ici une chose qui n'en boive pas une autre, pas un contenant qui ne devienne contenu, pas une lumière qui ne trouve sa transparence noire. Ecoutons : " C'est l'orage. La succion de la pluie sur les feuilles. le train du tonnerre le long des crêtes. de temps à autre, la foudre, l'orgasme." " En bas, le lac se déshabillait de la brume". Secouées, les habitudes et les fausses évidences de la langue : le parti pris des mots, ici, passe outre la convention arbitraire du signe. Les mots retrouvent le sang et les noces de la chose : exit les coquilles vides et sèches, les flux circulent, pas de place pour les excès de répétitions et d'imitations dont meurt l'écriture. Les phrases sont imprévisibles, elles se régénèrent sans se fixer, même quand elles semblent revenir sur le même thème.

Le texte est un récit. Moins polyphonique que multimiroirs. Il y a Eléonore, la blonde rousse et ce si beau jeune-homme se délectant du sang du crime. Quelle est l'histoire? On ne sait pas. Il n'en existe pas de version linéaire et le récit annoncé ne se saisit pas à qui voudrait le circonscrire. Peut-être même n' y a-t-il pas de version du tout, l'hypothèse que tout cela ne soit advenu que dans le manuscrit écrit par Eléonore jeune ne pouvant être écartée. A moins que...

Le statut de la réalité ne repose sur rien de solide entre Eleonore, ce jeune homme envoûtant de beauté et le vieil homme qui fait des apparitions. C'est une atmosphère fascinante, hypnotique qui règne dès le début. D'emblée on entre dans une situation onirique où les places changent, où les visages semblent glisser d'un corps à l'autre, où l'on n'est pas assuré de son image sur le miroir pas plus que des limites de son être. La vie se dit en viscères et chairs découpées au couteau d'un Bacon, une situation se diffracte dans une autre jusqu'au vertige, le vaste corps du monde nage dans les tentatives de ces trois-là de se trouver, de se tuer, de réparer sans jamais en venir à bout de l'élan de vie et de mort. Il sont empêtrés et exultent de dériver dans le magma sismique de la chair défiant toute parole. Pas un d'eux n'arrive à stabiliser une image de lui-même, dont il ferait enveloppe de vie enchâssée dans un récit donnant sens à celle-ci. L' espace-temps est morceaux sublimes, les demeures sont en errance comme les corps et les éléments.

Il y a cependant ce manuscrit mystérieux, au bout du compte bien existant, bien délimité. Que fait un livre sur le monde et les êtres? C'est peut- être l'une des questions de ce texte. Que font les êtres aux êtres, puisqu'il est raisonnable de compter la sauvagerie au principe de l'humain? Quelle est cette violence sombre et assoiffée au coeur de l'aimantation littéraire et amoureuse?

On pense à David Lynch, à son Mullholland Drive, lui le peintre cinéaste. Claire Boitel nous livre un Mullholland littéraire : jeux spéculaires jusqu'à vomir nos tripes d'existence avant de ricocher sur un autre visage--le nôtre, celui d'un aimé-et d'avaler un être de passage. Mastication, succion et digestion sont à la base du lien, et plus encore quand il oscille entre amour et passion, ce livre en prend acte après Freud. le regard est cette belle supercherie à l'iris envoûtant. Les visages vacillent. La beauté de ce livre tient dans tous ces retournements qui affectent la langue elle-même, laquelle se recrée pour nous faire entrer dans le mystère de cette Eléonore qui nous ressemble à s'y méprendre. En elle, par elle, la vie humaine cesse de mentir sur le cannibale merveilleux et atroce que nous sommes.
Alors, dévorez-le ce livre. Osez
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Une écriture faite perfection qui interroge et bouscule le temps, l'espace, l'identité, le réel, dans un bain magnifiquement onirique.
Extrait de la quatrième de couverture : "(...) Avec ce récit dense, enfiévré, Claire Boitel parvient à la quintessence de son art littéraire, et c'est en parfaite ­maîtrise qu'elle plonge le lecteur dans les méandres ­envoûtants de ­mystérieuses variations organiques, quasi intuitives, où l'incarnation mélancolique et cruelle des êtres bégaie, se ­dédouble et se fond, questionnant la réalité de l'identité, éprouvant la stabilité supposée du sol sous nos corps."
A lire, absolument.
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