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Critique de Eve-Yeshe


On revisite le parcours de vie de Nietzsche, de l'enfance au sein d'une famille bigote, (au moins quatorze pasteurs dans les ancêtres côté paternel et maternel), les drames, le décès d'un petit frère, la mort du père, les études au lycée de Psorta, puis un poste à l'université de Bâle en philologie en 1869. Elisabeth est une soeur dévouée entièrement à son illustre frère. Comment a-t-elle pu devenir une telle harpie ?

Ensuite, le parcours devient plus erratique, Nietzsche alias Fritz, de son vrai prénom Friedrich-Wilhelm (Frédéric-Guillaume en hommage à l'empereur) finit par voyager en Europe. Mais les douleurs s'intensifient : migraines ophtalmiques, migraines accompagnées, (vomissements, couché dans le noir…) jusqu'au jour où il voit de sa fenêtre en Italie un cheval se faire battre car il refuse d'avancer et il se jette au cou du cheval, l'embrasse. Et cela se termine par rapatriement et hospitalisation en clinique psychiatrique.

Lisbeth alias le lama, est toujours dévouée, mais son destin a croisé le couple Wagner, antisémites notoires qui se croient de race supérieure faisant le lit du futur Reich qui devait durer mille ans et se laisse convaincre aisément. Elle devient plus ou moins leur gouvernante. Nietzsche est lui-même séduit par Wagner, le musicien, car pour les idées on verra plus tard.

Guy Boley consacre un chapitre très intéressant à ce qu'il appelle « le cas Wagner » que Nietzsche fréquente jusqu'en 1872, Wagner, alors en exil en Suisse, est fasciné par les textes du philosophe sur Homère et les Grecs, ils apprécient tous les deux la mythologie et Schopenhauer et une véritable amitié est née :

Ils sont liés par les Grecs, par la mythologie et par Schopenhauer. L'un dit-il une phrase, l'autre aussitôt la complète. C'est l'harmonie parfaite, Montaigne-La Boétie au lac des quatre Cantons. Parce que c'était lui, parce que c'était moi, on connaît la chanson.

Mais Nietzsche ouvre les yeux lorsqu'il se rend à Bayreuth et voyant Wagner faire la roue devant les notables de la ville, il finit par renoncer à assister à la première du Ring et c'est le début de l'errance :

Ainsi commence sa nouvelle vie d'errant, de fugitif errant, de moine sans église et d'ermite sans grotte. Une vie dans laquelle il pourra, pas à pas, mont après mont, lac après lac, seul et toujours souffrant mais enfin rayonnant, lumineux, devenir l'inventeur et le souverain de lui-même.

Pendant ce temps, Lisbeth Elle croise le chemin de chemin de Bernhard Förster, antisémite encore plus extrême que le couple Wagner et elle va épouser ses croyances aveuglément et le suivre en Amérique du sud pour créer au Paraguay une colonie aryenne Nueva Germania … et je ne divulgâcherai pas plus…

Comment Lisbeth a-t-elle délaissé son rôle d'âme soeur dévouée pour devenir une harpie ? au nom de ses croyances tout simplement : elle va prendre en mains la vie et les écrits de Fritz, les expurger de tout ce qui ne lui plaît pas alors qu'elle est totalement inculte. Nietzsche est devenu l'ombre de lui-même, ne sort plus de son mutisme depuis qu'il a quitté la clinique.

Elle n'hésite pas à harceler les amis de son frère pour mettre le grappin sur le moindre texte, la moindre correspondance transforme la maison en musée et exhibe le philosophe qu'elle a affublé d'une robe de moine, moyennant finance.

Nietzsche est mort très jeune alors qu'elle ira vaillamment jusqu'à quatre-vingt ans, la méchanceté conserve et devinez qui elle rencontrera ?

On imagine sans peine les réactions de sa mère et de sa soeur, bigotes, lorsqu'il proclame « Dieu est mort » ou lorsqu'il se dit disciple de Dionysos ! j'aurais bien aimé être une souris pour assister à la scène…

J'ai choisi ce roman historique car j'apprécie Nietzsche (entre souffrants, des liens se créent) et je connaissais un peu sa vie, la manière dont il sombre dans la folie mais je ne savais rien d'Elisabeth Förster, qui est un cas clinique de psychiatrie passionnant : mégalomane, manipulatrice, perverse bref tellement odieuse qu'on se délecte à la détester. Avec une telle famille, il n'avait aucune chance mais il nous a laissé un bel héritage.

L'auteur nous fait partager le dossier médical de Nietzsche tenu par le Dr Theodor Ziehen ainsi que les propositions thérapeutiques… et c'est assez impressionnant!

Je connaissais la passion de Nietzsche pour la Grèce et ses auteurs, et j'ai découvert qu'il était fasciné par Théognis de Mégare, écrivain solitaire et banni dont j'ignorais l'existence, alors cette lecture a éveillé ma curiosité et m'a donné envie de ressortir « le gai savoir » lu il y a fort longtemps et « ainsi parlait Zarathoustra » et plus si affinité car je ne suis pas très à l'aise dans la philosophie.

J'ai adoré ce livre, j'ai pris mon temps pour le déguster et j'ai eu du mal à le refermer, des citations partout, des marque-pages, pour pouvoir revenir plus facilement à certaines périodes de la vie de Nietzsche.

Ce livre est passionnant, rythmé, agrémenté de textes de Nietzsche, de détails historiques, sur fond d'antisémitisme qui ne cessera de monter en puissance pour atteindre un point culminant (du moins on aurait aimé l'espérer) avec le nazisme.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et la plume de son auteur dont j'ai très envie de découvrir les précédents livres.

#Amasoeuretunique #NetGalleyFrance !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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