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sur 97 notes
Après deux romans très remarqués, Guy Boley met l'envoûtante magie de sa plume au service d'une biographie passionnante qui retrace le terrible lien qui unit Friedrich Nietzsche, le philosophe devenu fou, à sa machiavélique et manipulatrice soeur Elisabeth.


En cette seconde moitié du XIXe siècle en Prusse, Friedrich est un génie enfermé dans un corps débile. Alors, pour lui permettre d'écrire et d'accéder à la gloire, sa soeur, longtemps célibataire, lui sert d'infirmière, de secrétaire, presque de moitié tant leur relation est fusionnelle. Mais, à près de quarante ans, rompant violemment avec son frère, Elisabeth épouse un agitateur antisémite d'extrême droite et le suit au Paraguay, où le couple entend fonder une colonie de « pure race aryenne ». L'expérience est un désastre dont Elisabeth revient veuve et transformée. Puisque son frère, entre-temps victime d'un effondrement psychique, n'est plus qu'une ombre bavante et délirante, c'est désormais elle qui prendra les rênes de la maison Nietzsche, manoeuvrant pour récupérer la tutelle de l'aliéné et, tout en l'abrutissant de calmants, s'activant à détourner à son profit les bénéfices de sa célébrité montante.


Rien ne l'arrêtera dans sa campagne de promotion à tout crin, pas même, entre autres opérations mercantiles, la vente de billets permettant, comme au zoo, d'observer le fou sédaté dans son lit, ou encore la dénaturation d'une oeuvre à laquelle elle n'entend goutte mais qu'elle « élague, taille et tranche, tel Boileau dans son Art poétique : Ajoutez quelquefois et souvent effacez », allant jusqu'à en inciter les récupérations antisémites dans une manipulation destinée à flatter les idéologues conservateurs, puis nazis. La « soeur et unique », autrefois dévouée et adorée, s'avère une gorgone sans vergogne, prête à toutes les manipulations et compromissions pour s'assurer grand train et s'ouvrir la fréquentation des puissants, fussent-ils jusqu'à Hitler lui-même. Heureusement, des copies de textes et de lettres resurgiront après sa mort, qui permettront de rétablir des vérités. le mal est pourtant fait : si Nietzsche est aujourd'hui « l'un des auteurs les plus étudiés, commentés, analysés, disséqués », il reste « aussi l'un des plus controversés », maudit ou sanctifié, affublé de bien des traits qu'il n'eut jamais, lui qui s'en doutait puisqu'il écrivit « Malheur à moi qui suis une nuance. »


Soigneusement documenté, ce roman historique autour d'un duo hors norme est absolument étonnant et captivant. Il chatoie aussi du lyrisme volontiers grandiloquent, âprement ironique, d'une plume ciselée, aux tournures somptueuses, que l'on savoure en un de ces plaisirs de langue rares et infinis qui, lorsqu'ils vous ont enchantés, vous laissent impatients de parcourir toute l'oeuvre, passée et à venir, de l'auteur. Immense coup de coeur pour ce livre couronné du Prix des Deux Magots 2023.

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Une enfance sans père imprégnée de bondieuseries, une vie étudiante de philologue talentueux, une autre éphémère de professeur universitaire précoce, puis la vie d'errances d'un « ermite sans grotte », cobaye de sa propre expérience artistique dans une « adéquation totale entre l'humain et l'oeuvre », avant « une longue nuit de onze ans pour apaiser ses maux et ses tourments, tandis que l'univers, lentement, apprend à épeler son nom. » N.I.E.T.Z.S.C.H.E.
On le rencontrera en ce début de roman dans un jour de bascule, se penchant en ce 3 juillet 1889 dans une ruelle de Turin à l'oreille d'un canasson maltraité pour lui susurrer des mots doux, juste avant de devenir fou.
Finalement il ne parlera pas tant que ça, ce sont surtout ses correspondances ou ses écrits qui parleront pour lui, ou les autres qui l'évoqueront. À commencer par son logeur, son ami de toujours dépêché sur les lieux de l'accident, puis ses médecins aux rapports intercalés dans la narration. Il parlera peu à travers sa moustache, « une forêt de poils entremêlés de nuit qui lui masque les lèvres, lieu de la parole». Mais on l'entendra quand même, hurler une fois depuis la chambre de son asile à travers les compte-rendus médicaux – « Qu'on me donne un van Houten ou je commets un chocolat !», ou bien avec cette simple phrase écrite, aux déflagrations terribles pour sa bigote de mère : « Dieu est mort ».

Mais ça n'est pas uniquement de lui dont il s'agira ici, même si sa biographie nécessaire sera détaillée. Sa soeur Elizabeth, ou Lizbeth, Lischen, qu'il surnommera le Lama dans une saillie encore affectueuse. Elle aussi a sûrement vécu un jour de bascule, quand elle a accolé Förster à son nom de famille. Elle aussi parlera de son frère, entretiendra des correspondances avec lui quand il quittera le foyer. Mais elle finira surtout par lui ravir la vedette et détrousser son esprit dans ce roman où la fin lui sera consacrée, la vie de Fritz réduite à une léthargie légumineuse. Bien après leur enfance commune et leur entente idyllique de jeunes adultes, unis pas tout à fait comme frère et soeur. Elle aura été soumise et dévouée à ce frère ainé promis aux plus hautes sphères intellectuelles, adoubé et promu par ses professeurs admiratifs. Elle l'aura suivi partout où il aura été, aura soulagé ses migraines ophtalmiques en l'épaulant dans ses écrits incessants. Avant la bascule, et la rencontre de son futur mari dans un contexte antisémite naissant.

Le plus surprenant dans ce roman foisonnant, c'est peut-être son année de parution. L'exofiction sous l'angle du portrait féminin est dans les standards, mais que dire quand elle révèle comme ici une femme pas vraiment à son avantage, une soeur dévouée finissant « dinde antisémite », despote, mégalo, en plus d'être l'idiote ne comprenant pas les écrits de son frère. Que dire des autres femmes de l'entourage familial de Nietzche, « un cheptel de bigotes rancies ». On pourra toujours penser qu'il est courageux de nager à contre-courant dans les mouvances du mainstream, avec sa légion de figures féminines héroïques. On pourra estimer qu'il faut du souffle pour remonter le courant, en n'oubliant pas au passage les figures féminines positives, comme Lou Salomé ou Meta von Salis. Il fallait sûrement la fougue d'un Guy Boley, déboulant avec sa prose bouillonnante dans le tumulte d'un maelstrom de mots, d'un torrent de culture, au gré d'une écriture féconde, luxuriante, en plus d'être virtuose. Il sera difficile de ne pas y voir se refléter l'image du mentor et son « océan de mots », dont le cerveau finira par exploser de phrases. Ici aussi il y aura cavalcade de phrases, pour former la trame d'une exofiction doublement biographique, dense et passionnante, emportée par une relation frère-soeur tumultueuse et tragique
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En marge de l'immense philosophe qu'est Nietzsche, Guy Boley retrace la vie de sa soeur, Elisabeth Foster qui a compté pour le grand homme, pour le meilleur et pour le pire.

Pour le meilleur tout au long de leur vie familiale, tant la relation qui les unissait était fusionnelle, malgré le fossé qui les séparait sur le plan intellectuel. Pour le pire, quand la femme aigrie tenta de monnayer le moindre mot produit par son frère.

Cet itinéraire permet d'aller à la rencontre des étapes qui marquent la carrière de Nietzsche, dont on découvre la faiblesse physique qui s'oppose aux capacités hors normes de conception et d‘écriture. On parcourt aussi l'histoire troublée de ce début du vingtième siècle et les alliances douteuses, plus ou moins fomentées par Elisabeth, dont l'intelligence est plus économique que conceptuelle.

Hormis le travail très intéressant que constitue cette biographie, originale par le point de vue adopté, le style est surprenant. Gothique flamboyante, riche, et lumineuse, cette écriture, que certains ont pu qualifier de grandiloquente, m'a totalement séduite. Elle ajoute une dimension poétique à cette biographie passionnante. Je découvre cet auteur avec une admiration immense pour son talent de conteur.

480 pages Grasset 23 août 2023
#Amasoeuretunique #NetGalleyFrance

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Rentrée littéraire 2023.

Comme bien souvent, j'ai choisi ce livre sans avoir pris connaissance de la quatrième de couverture, et pour une fois cela m'a réussi car je ne serais certainement pas allée vers cette histoire si j'avais su qu'il y était question de Nietzche et de sa soeur Elizabeth.
Après quelques réticences je me suis immergée dans ces destins.

Nous découvrons Nietzche alors qu'il perd la raison en assistant au supplice d'un cheval rudoyé par son propriétaire. Il s'écroule après avoir parlé à l'animal. Ramené à Bâle par un ami, il ne tarde pas à se prendre pour Dieu, ce qui entrainera son internement dans une unité psychiatrique.
Par un retour arrière, Guy Boley décrit une scène capitale qui m'a impressionnée par l'émotion qui s'en dégage : A 6 ans, Nietzche donne la main à sa jeune soeur Elizabeth devant le cercueil de leur petit frère Joseph mort à l'âge de 22 mois. Il est alors le seul homme de la famille. le père étant décédé, il va vivre avec sa mère, ses tantes et grands-mères et Elizabeth à qui il voue une immense tendresse.

Au fil des années, Elizabeth acquiert une place prépondérante dans la vie de son frère, à la fois infirmière, compagne, secrétaire, persuadée qu'un jour l'intelligence supérieure de Nietzche éclairera le monde, elle l'assiste à chaque instant.
Lorsque la folie s'installe inexorablement, elle n'hésitera pas à transformer ses écrits :
« Elle gratte certains mots de la pointe d'un couteau, elle efface à la gomme, à la râpe, à la toile émeri ou au chiffon humide, puis elle les couvre de taches qui donnent l'illusion que Fredrich dut avoir, un soir de maladresse, un geste malencontreux envers son encrier. Il se peut qu'elle ajoute également quelque chose de son cru, mais le plus fréquemment elle élague, taille et tranche. »

Ce roman est passionnant. Guy Boley montre la transformation d'une soeur dévouée en une mégère autoritaire, possessive et vénale.
J'ai aimé redécouvrir le style de l'auteur et je remercie les Editions Grasset et NetGalley pour leur confiance.
#Amasoeuretunique #NetGalleyFrance
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On revisite le parcours de vie de Nietzsche, de l'enfance au sein d'une famille bigote, (au moins quatorze pasteurs dans les ancêtres côté paternel et maternel), les drames, le décès d'un petit frère, la mort du père, les études au lycée de Psorta, puis un poste à l'université de Bâle en philologie en 1869. Elisabeth est une soeur dévouée entièrement à son illustre frère. Comment a-t-elle pu devenir une telle harpie ?

Ensuite, le parcours devient plus erratique, Nietzsche alias Fritz, de son vrai prénom Friedrich-Wilhelm (Frédéric-Guillaume en hommage à l'empereur) finit par voyager en Europe. Mais les douleurs s'intensifient : migraines ophtalmiques, migraines accompagnées, (vomissements, couché dans le noir…) jusqu'au jour où il voit de sa fenêtre en Italie un cheval se faire battre car il refuse d'avancer et il se jette au cou du cheval, l'embrasse. Et cela se termine par rapatriement et hospitalisation en clinique psychiatrique.

Lisbeth alias le lama, est toujours dévouée, mais son destin a croisé le couple Wagner, antisémites notoires qui se croient de race supérieure faisant le lit du futur Reich qui devait durer mille ans et se laisse convaincre aisément. Elle devient plus ou moins leur gouvernante. Nietzsche est lui-même séduit par Wagner, le musicien, car pour les idées on verra plus tard.

Guy Boley consacre un chapitre très intéressant à ce qu'il appelle « le cas Wagner » que Nietzsche fréquente jusqu'en 1872, Wagner, alors en exil en Suisse, est fasciné par les textes du philosophe sur Homère et les Grecs, ils apprécient tous les deux la mythologie et Schopenhauer et une véritable amitié est née :

Ils sont liés par les Grecs, par la mythologie et par Schopenhauer. L'un dit-il une phrase, l'autre aussitôt la complète. C'est l'harmonie parfaite, Montaigne-La Boétie au lac des quatre Cantons. Parce que c'était lui, parce que c'était moi, on connaît la chanson.

Mais Nietzsche ouvre les yeux lorsqu'il se rend à Bayreuth et voyant Wagner faire la roue devant les notables de la ville, il finit par renoncer à assister à la première du Ring et c'est le début de l'errance :

Ainsi commence sa nouvelle vie d'errant, de fugitif errant, de moine sans église et d'ermite sans grotte. Une vie dans laquelle il pourra, pas à pas, mont après mont, lac après lac, seul et toujours souffrant mais enfin rayonnant, lumineux, devenir l'inventeur et le souverain de lui-même.

Pendant ce temps, Lisbeth Elle croise le chemin de chemin de Bernhard Förster, antisémite encore plus extrême que le couple Wagner et elle va épouser ses croyances aveuglément et le suivre en Amérique du sud pour créer au Paraguay une colonie aryenne Nueva Germania … et je ne divulgâcherai pas plus…

Comment Lisbeth a-t-elle délaissé son rôle d'âme soeur dévouée pour devenir une harpie ? au nom de ses croyances tout simplement : elle va prendre en mains la vie et les écrits de Fritz, les expurger de tout ce qui ne lui plaît pas alors qu'elle est totalement inculte. Nietzsche est devenu l'ombre de lui-même, ne sort plus de son mutisme depuis qu'il a quitté la clinique.

Elle n'hésite pas à harceler les amis de son frère pour mettre le grappin sur le moindre texte, la moindre correspondance transforme la maison en musée et exhibe le philosophe qu'elle a affublé d'une robe de moine, moyennant finance.

Nietzsche est mort très jeune alors qu'elle ira vaillamment jusqu'à quatre-vingt ans, la méchanceté conserve et devinez qui elle rencontrera ?

On imagine sans peine les réactions de sa mère et de sa soeur, bigotes, lorsqu'il proclame « Dieu est mort » ou lorsqu'il se dit disciple de Dionysos ! j'aurais bien aimé être une souris pour assister à la scène…

J'ai choisi ce roman historique car j'apprécie Nietzsche (entre souffrants, des liens se créent) et je connaissais un peu sa vie, la manière dont il sombre dans la folie mais je ne savais rien d'Elisabeth Förster, qui est un cas clinique de psychiatrie passionnant : mégalomane, manipulatrice, perverse bref tellement odieuse qu'on se délecte à la détester. Avec une telle famille, il n'avait aucune chance mais il nous a laissé un bel héritage.

L'auteur nous fait partager le dossier médical de Nietzsche tenu par le Dr Theodor Ziehen ainsi que les propositions thérapeutiques… et c'est assez impressionnant!

Je connaissais la passion de Nietzsche pour la Grèce et ses auteurs, et j'ai découvert qu'il était fasciné par Théognis de Mégare, écrivain solitaire et banni dont j'ignorais l'existence, alors cette lecture a éveillé ma curiosité et m'a donné envie de ressortir « le gai savoir » lu il y a fort longtemps et « ainsi parlait Zarathoustra » et plus si affinité car je ne suis pas très à l'aise dans la philosophie.

J'ai adoré ce livre, j'ai pris mon temps pour le déguster et j'ai eu du mal à le refermer, des citations partout, des marque-pages, pour pouvoir revenir plus facilement à certaines périodes de la vie de Nietzsche.

Ce livre est passionnant, rythmé, agrémenté de textes de Nietzsche, de détails historiques, sur fond d'antisémitisme qui ne cessera de monter en puissance pour atteindre un point culminant (du moins on aurait aimé l'espérer) avec le nazisme.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et la plume de son auteur dont j'ai très envie de découvrir les précédents livres.

#Amasoeuretunique #NetGalleyFrance !
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Quand on a une soeur comme elle pour faire respecter sa propre mémoire, on a pas besoin d'ennemi. Ici, on parle de la soeur de Nietzsche, une sacrée opportuniste et ordure à ses heures. Sous prétexte de parler d'elle, on revisite également la vie de ce philosophe unique. Et, en même temps, elle travailla si ardemment à ce que son frère ne tombe pas dans l'oubli, qu'on se demande si la renommée du frère n'est pas la conséquence de l'idolâtrie de cette femme perfide. Un auteur de haute qualité connu grâce à une femme mesquine et menteuse... Ce roman historique est très intéressant en plus d'être joliment écrit. On apprend, on rit, on s'offusque, et on réfléchit aux quelques phrases du Grand Homme disséminées par-ci par-là.
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Aprés Fils du feu,je replonge avec satisfaction dans l'écriture de Guy Boley. Exactement la même sensation,avec un début un peu ardu tant l'écriture est travaillée,parfois savante,et puis, uniquement le plaisir d'une plume magnifique dont on sent frémir la délectation de l'auteur à user de son talent !
L'aventure littéraire pourrait presque se suffir à elle même,mais l'histoire est passionnante. Je ne connaissais pas l'existence de la soeur de Nietzsche,et pour être honnête,bien peu de chose de cet homme,avec quelques doutes sur sa position intellectuelle face au nazisme.
Cet ouvrage m'a apporté les réponses hallucinantes quant à l'origine de mes doutes !
Trés jeunes,face au deces brutal et quasi simultané de leur père et petit frère,Friedrich et Elisabeth tissent un lien fusionel qui se consolidera dans une assymetrie qui m'a, un temps seulement , amenée a une certaine alliance avec Elisabeth. Je ne pouvais m'empêcher de penser que la condescendance de Friedrich à son égard n'était pas étranger à son besoin,elle aussi de sortir de l'ombre. Son dévouement envers ce frère dont les souffrances physiques térribles le rendait dépendant d'elle pour écrire,lire et trier ses recherches,me la rendait attachante même si cet engagement lui permettait d'accéder à un monde culturel et artistique qu'elle n'aurait jamais connu sans son frère et notamment,sa rencontre avec Wagner et son entourage. La suite de leur histoire a cependant transformé radicalement mon opinion tant j'ai été interloquée des agissement d' Elisabeth!
Guy Boley nous offre tout le parcours intellectuel de Nietzsche,de ses admirations pour Dieu ou Wagner à ses rejets, de l'abandon de son poste de " professeur extraordinaire" qui l'éteignait au choix d'une vie d'errance mais libre,jusqu'à sa chute le 3 janvier 1889 et sa longue descente dans la folie qui le livrera pieds et poings liés à sa soeur.
Le récit nous entraîne dans la folie destructrice d'une femme pour son unique profit,folie bien plus dangereuse que celle de Nietzsche!
Le parcours est passionnant et nous permet une immersion des plus riches dans l'histoire d'une Allemagne peu glorieuse et dans le coeur bien sombre de certains hommes.
Je sors de cette lecture avec une grande admiration pour un homme qui malgrè ses travers a toujours été d'une honnêteté intellectuelle irréprochable, et parallèlement avec un sentiment d'horreur pour sa soeur qui,en reprenant à son compte la devise de Wagner " le monde me doit ce dont j'ai besoin" a oeuvrer de façon démoniaque et abjecte avec ce que son frère avait produit.
L'amitié sans faille de Franz Overbeck et le sauvetage d'écrits originaux de Nietzsche,ont permis ,trente après le décés d'Elisabeth de rendre justice et honneur à cet homme à titre postume.
C'est un roman incroyable que je recommande vivement.

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C'est l'histoire de la relation d'un génie, Frédéric Nietzsche, avec sa soeur Lisbeth. Dans une atmosphère familiale de forte religiosité, ils vécurent leur enfance en compagnie de leur mère, leur père pasteur étant décédé très tôt. Longtemps le frère et le soeur furent extrêmement proches.
Nous suivons Frédéric dans ses premières années au lycée, puis dans son parcours de professeur en Suisse et son épisode amical avec Richard Wagner et sa famille. À chacune de ces étapes, Lisbeth est là, en appui, en confidente, jusqu'à ce qu'à ce que leurs liens se distendirent quand Frédéric rompit avec la religion, et, pire pour Lisbeth, quand il eut une relation avec Lou Salomé, sa seule histoire d'amour.
Lisbeth se maria alors avec l'antisémite Bernhard Förster qui l'entraîna dans une aventure frauduleuse au Paraguay où il finit par se suicider, alors que de son côté Frédéric tombait malade et sombrait peu à peu dans un état végétatif.
À son retour en Europe, Lisbeth entreprit d'exploiter financièrement l'oeuvre et la mémoire de son frère, quitte à trahir ses idées. Elle finira bien plus tard par adhérer au parti nazi.
Si le portrait de Nietzsche qui nous est fait ici est empreint de sympathie et de compassion, Lisbeth n'est pas gâtée : l'auteur nous la décrit comme sotte, peu intelligente, intrigante, prétentieuse, manipulatrice et un brin mégalo.
Le destin tragique de Frédéric Nietzsche nous est conté ici dans un beau style poétique, enlevé, tumultueux et plein de fougue. Seul (tout petit) bémol  : une tendance à l'énumération un peu lassante.
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« Derrière chaque grand homme est tapie une femme »…

Friedrich et Elisabeth NIETZSCHE, une relation frère-soeur d'amour et de trahison.

Le roman de Guy Boley est captivant et flamboyant, soutenu d'extraits des oeuvres de Nietzsche.
L'âme tourmentée, le corps en souffrance, il ne trouvait de consolation qu'en écrivant.
« Deviens qui tu es… » fut compliqué et douloureux pour celui qui affirmait « je ne suis pas un homme, je suis de la dynamite ».

Le petit Friedrich a été élevé dans un milieu luthérien, protestant réformiste, et entouré uniquement de femmes (mère, soeur, tantes…) à la mort du père, pasteur.
Nietzsche recevra une éducation rigoriste dans des valeurs humanistes et c'est auprès des antiques - grecs et latins - qu'il commencera à trouver sa voie, inspiré par Dionysos, Schopenhauer, et Wagner jusqu'à leur rupture.

Son unique soeur, Elisabeth, fourbe et capricieuse dès l'enfance, admirative et en extase devant son frère chéri, tiendra une place prépondérante dans la vie de l'écrivain, philosophe, à la fois poète et musicien. Une soeur qui s'avèrera manipulatrice, vénale, despotique… déformant et tirant profit des oeuvres de son frère lorsqu'il perdit la raison.

La folie et la foi sont omniprésentes dans cette famille. Tous souffrant de troubles mentaux, sous couvert de « nonchaloir » la mélancolie de l'époque. L'auteur en retranscrit parfaitement l'atmosphère, donnant le ton dès le début du roman.

« Seul l'art guérit les âmes ».
Aspirant à la solitude, à trouver son équilibre dans l'art, l'effondrement psychique aura raison de Nietzsche.
Mais avant de murmurer à l'oreille d'un cheval dans une rue de Turin et s'écrouler, ce sont errances, solitude et écriture qui rempliront des années prolifiques pour son oeuvre.
*
Une lecture qui m'a permis de mieux connaître cet homme doté d'une fine intelligence et atteint par une sorte de folie, comme nombre de génie.
*
Le style est riche, plein d'esprit - vocabulaire et figures de style - l'auteur sait allier l'ironie, le sarcasme, les accents dramatiques, pour nous raconter, romancée, la vie de Nietzsche et de sa soeur Lisbeth.
Passionnant !

Grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour cette belle lecture que j'ai beaucoup appréciée.

« Notre vie est un miroir.
Notre moi s'y fait connaître.
L'y saisir me paraît être
Le premier de nos devoirs. Ecrit en 1858, dans l'année de mes 14 ans. »
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Un nom qui traverse les siècles : Nietzsche.
Une famille dont l'auteur nous raconte les aléas.
Une soeur : Elisabeth qui demeure dans les mémoires sous une image quelque peu diabolique.

De l'amour à la manipulation, de la fusion fraternelle à l'intéret pécuniaire, le portrait de cette femme se fond et s'enlise dans les méandres d'une époque cruelle, raciste, antisémite et amènera une récupération aboutissant à un jugement négatif sur le philosophe, jugement balayé depuis lors par de nombreuses études et défenses intellectuelles.
La création de la colonie au Paraguay, la vente des écrits à Hitler, l'épisode Wagner, jalousie, orgueil déplacé, haine, des portraits qui écoeurent, un degré zéro de l'humanité.

Ce roman biographique est soutenu par un style hors temps constitué d'une amplification, de mots précis qui demandent parfois une recherche, d'égarements dans des phrases longues, parfois trop longues, trop chargée d'affects, de variations qui s'adaptent à la folie du philosophe et à l'aigreur de la soeur.
On s'y essouffle … parfois agaçant jusqu'à l'énervement, est-ce un but désiré?
Loué par beaucoup de lecteurs ou critiques de média, j'avoue être réticente au niveau de la forme trop excessive.

Merci à Babelio et aux Éditions Grasset pour cette lecture.
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