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Critique de gromit33


Suite de cette formidable collection, qui propose à un écrivain de passer une nuit dans un musée. j'ai été très émue par le texte de Lola Lafon et sa nuit avec Anne Franck.
Cette fois-ci, nous allons passer la nuit avec Christophe Boltanski à Bruxelles à l'Africa museum.
Avec une exergue de Frank Fanon et dans sa poche, le roman "au coeur des ténèbres" de Conrad, Christophe Boltanski va nous raconter le passé colonial de la Belgique et en particulier du fameux Congo belge de Léopold II.
D'ailleurs, ce musée a changé de nombreuses fois de nom : du musée du Congo Belge au musée royal d'Afrique centrale et maintenant, après des travaux, l'Africa muséum. Fermé en 2013, il était le dernier musée colonial du monde et a réouvert en 2018.
"Ces changements d'appellation (.../...) visent à faire oublier ou, du moins, à estomper le projet initial, celui d'un musée entièrement dédié à une colonie." p19
En 1897 et l'exposition universelle de Bruxelles, Léopold 2 est un "montreur d'hommes". Dans son domaine de Tervuren, un Congo miniature va être présenté aux belges. 267 hommes, femmes et enfants vont être "exposés" dans trois "villages négres". En 1899, 400 africains vont aussi être exhibés aux Invalides lors de l'exposition universelle de Paris.
30 000 personnes défilent dans le parc de Teruren. Puis un palais va être construit par l'architecte parisien Charles Girault (il avait crée le Petit Palais et le musée belge est une copie de ce bâtiment).
Avant de rentrer dans le musée, C Boltanski arrive par un chemin et va trouver les tombes de 7 morts, des africains "exposés" et enterrés dans le jardin du musée. Puis nous allons le suivre dans les sous sols, les couloirs, les salles de ce musée.
Des images impressionnantes jaillissent de ce texte. Il est seul, quasiment dans le noir, avec la torche de son téléphone portable. Dans le sous sol, il va trouver des statues du musée initial, mises au rebut, "de fait de préjugés et stéréotypes profondément ancrés qui ont contribué au racisme de nos sociétés modernes". "Une forêt de statues, des capitaines, commandants blancs et des êtres nus, vernissés de noir, des masques mortuaires".
Puis les salles rénovées et il va se coucher quasiment dans les pattes du king Kasai, un éléphant empaillé qui fut longtemps le symbole du Musée royal de l'Afrique centrale.
L'auteur va aussi nous parler de la famille de Boekhat, qui ont été parmi les colonisateurs du Congo, à l'époque de Léopold 2 mais aussi récemment avec un des descendants, qui a été mercenaire pour les entreprises minières belges.
L'auteur se questionne sur la colonisation, en se souvenant de ses lectures des Tintins, lors de son enfance : d'ailleurs Hergé a visité plusieurs fois ce musée pour ensuite écrire son fameux 'Tintin au Congo", sans jamais être allé en Afrique.
Ce texte nous questionne sur l'histoire des colonies et comment appréhender cette histoire.
A une époque où on déboulonne certaines statues, comment raconter ces histoires, ces conquêtes, l'exploitation de ces terres (qui perdurent d'ailleurs avec les mines qui sont exploitées par de grands groupes internationaux et où les conditions de travail sont ignobles). Que faut il faire des représentations de l'époque, les cacher, les flouer, les annoter ?
Christophe Boltanski essaie de comprendre, de raconter.
J'ai aimé passer cette nuit de questionnements, dans les sous sols, dans les couloirs, dans les salles de cet étrange musée, étrange car c'est un musée ethnographique (des masques, des statues) et d'histoire naturelle, avec des animaux empaillés. Christophe Boltanski nous parle aussi de personnages de l'époque et de ces aventuriers, dignes personnages du roman de Conrad (dont je vais profiter pour le relire)
Peut être que ce texte est moins personnel que les précédents, mais il donne un point de vue sensible, parfois drôle, de nos questionnements sur la colonisation, décolonisation et nos façons de ne pas oublier ces périodes et surtout comment les "raconter".

#kingkasaï #NetGalleyFrance
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