AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Alzie


Quatre très beaux portraits de femmes aux avant postes de la modernité et aux destins très peu conventionnels que lient leur intimité, leurs tempéraments et le goût de leur indépendance par-dessus tout. Leurs vies de saltimbanques et d'artistes, entre cabaret et music-hall, journalisme et écriture, danse, théâtre et cinéma, pimentent la lecture de ces pages extrêmement vivantes et colorées. Les piges et les cachets, comme horizon de liberté au tout début d'un XXe siècle particulièrement bohème et tout autant guerrier. En 1914, les hommes viennent de partir au front. Elles, restent et continuent de livrer combat sur un terrain social, professionnel, familial et artistique. Les trois aînées : la discrète et cependant audacieuse Annie (de Pène), une des premières reporter dans les tranchées et auteure un peu oubliée aujourd'hui disparaît la première emportée par la grippe espagnole en 1918, Marguerite (Moreno) ensuite, la flamboyante comédienne éprise de poésie, et enfin Colette l'amie souvent très maternelle avec « son petit Musi », l'amante aussi (de Georgie Duval, Natalie Barney et Missy), grande figure littéraire de l'affranchie, attire ses comparses à des degrés divers ; ces trois ont passé le cap des quarante ans et la quatrième, qui est la plus jeune, « Musi » (Musidora), danseuse et future star du cinéma muet lancée par Louis Feuillade, a juste vingt-cinq ans et le reste de sa vie pour passer de l'autre côté de la caméra.

Pour toutes les quatre et pour chacune, dans le vieux chalet de Passy qui les voit rassemblées, il y a un avant et un après guerre que Dominique Bona, des derniers feux de la Belle Epoque jusqu'à leurs ultimes passions, a très bien su capter et déroule à travers leurs étonnants parcours croisés, enracinés pour chacune d'elles dans l'amour d'une campagne éloignée (bourguignonne pour Colette, normande pour Annie, corrézienne pour Marguerite). Colette, divorcée (de Willy) et remariée à Henry de Jouvenel est bientôt dans les bras de Bertrand. Marguerite, veuve de Marcel Schwob est remariée à Jean Darragon. Annie longtemps privée de ses deux enfants issus d'une première union, vit en compagnonnage avec Gustave Tery. « Musi » est une jeune beauté pleine de promesses, délurée et sans trop d'attaches… Bien que les circonstances affectives ou de l'actualité puissent les séparer elles ne se perdent jamais de vue et restent soudées ainsi que l'atteste la volumineuse correspondance de Colette auprès de ses trois amies. Les périodes de leurs vies alternent, riches et fécondes de leurs oeuvres ou parfois moins créatrices, scandées de coups de foudre, liaisons ou lâchages successifs, deuils et maternités. Sans que le portrait de la plus célèbre et la plus gourmande d'entre elles, Colette, ne phagocyte jamais ceux des trois autres mais les éclaire plutôt d'un jour particulier, ce quatuor féminin peu banal est un jeu de miroirs très subtil où se lisent évidemment les secrets, les désirs, les désillusions et désarrois, les tentatives et les projets, les réussites ou les échecs de chacune. Un bel équilibre d'où les hommes ne sont jamais absents ce qui ne gâche rien. Très agréable à lire.
Commenter  J’apprécie          190



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}