La mort du père d'un ancien ami m'a poussé à continuer ce projet commencé il y a presque dix ans, sous la forme d'un hommage à mon père de son vivant.
Doit-on attendre l'absence pour manifester sa présence ?
Doit-on rester dans le silence parce que nous n'avons pas les mots ?
Les dessins peuvent aider. Le seul fait d'être là aussi ? Une respiration, un regard peuvent-ils remplacer les bras figés ?
Je ne dis rien, mon corps en exprime encore moins, stoïque à son habitude.
Que craint-il ?
Que craignait-il ?
Nous naissons
Nous avons nos parents
Qui pour nous ne sont
Que de vivants monuments.
Nous rêvons leur aura
Nous rêvons notre vie
Nous rêvons nos enfants
Nous nous rêvons parents.
Un souvenir prégnant de mon enfance est le regard de mon père...
Etais-je alors épié jusque dans mon intérieur, jugé ?
Toujours est-il qu'aujourd'hui, moi aussi à mon tour, j'observe. Je scrute. J'en ai même fait mon métir.
Et s'il y a un art de bien dessiner, il y a surtout un art de bien regarder.
Le dessin et l'image me permettent de m'attarder sur des choses ou des gens auxquels je suis sensible, sans passer pour un curieux, un voyeur.
On dit parfois que concevoir une descendance découle d'un acte égoïste.
Pendant que l'on tente sans trêve de raisonner,
la vie, elle, résonne.
Se reproduire.
Sans reproduire ...
On ne fait pas que reproduire un modèle.
Avant tout, on le subit.
Le temps épure.
Le vrai comme le faux.
Peut-être que le bonheur sur la durée réside là : dans l'acceptation du processus qu'a l'esprit d'oublier.
Qu'est-ce que le travail de deuil sinon cela ?
Nous ne nous ferons peut-être jamais à l'idée de la perte et de la disparition .
Mais notre mémoire peut en oublier la douleur.
On dit parfois que concevoir une descendance découle d'un acte égoïste.
Peut-être.
Mais le transfert de toute notre attention sur cet être ô combien chéri, jusqu'à l'oubli de nous-mêmes, nous place devant l'autocentrisme qu'offrait la vie d'avant.
Devenir parent est le plus grand des miroirs.