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Critique de Cannetille


Antoine Mouchot (1825 – 1912) est le dernier fils d'un serrurier bourguignon. de trop faible constitution pour envisager un métier manuel, il se résigne à enseigner et, devenu professeur de mathématiques à Alençon, découvre par hasard, dans la bibliothèque de la pension qui l'héberge, le livre qui va bouleverser sa vie. Fasciné par le principe de la marmite solaire qu'y décrit un physicien genevois, il se prend à rêver de maîtriser l'énergie du soleil, se lance dans ses propres expériences et invente le premier moteur solaire : une petite machine à vapeur alimentée par une chaudière en verre reliée à un réflecteur parabolique.



Mais, aussi géniale soit-elle et même si elle lui vaut son heure de gloire – l'attention de Napoléon III, la reconnaissance de ses pairs et l'émerveillement du public quand, à l'Exposition Universelle de Paris en 1878, il produit un bloc de glace à partir de la chaleur solaire –, son invention n'intéresse pas les industriels de l'époque. le charbon est alors abondant et peu coûteux, le soleil incertain et l'exploitation de son énergie pas assez rentable. Notre homme aura beau persister dans son obsession, se brûler les rétines en Algérie où il a choisi de développer ses expérimentations, il finira misérable et oublié, volé par son ancien associé, grabataire séquestré dans un taudis par une épouse aux allures de Thénardière.



Le paradoxe est cruel et nourrit le roman de Miguel Bonnefoy : l'invention brillante a laissé dans l'ombre le peu charismatique Antoine Mouchot. L'homme terne et maladif, habité par l'idée fixe de dompter le soleil, s'y est brûlé les ailes et jusqu'à sa postérité. de sa personnalité l'on ne connaît plus rien et, aucun livre ne lui ayant jamais été jusqu'ici consacré, ce sont les indices glanés en fouillant l'océan documentaire de diverses archives qui ont permis à l'écrivain de ressusciter par la fiction la réalité du personnage.



Romanesque à souhait, la narration chamarre sa trame biographique des chaudes couleurs et de la lumière éclatante qui éclaboussent un temps la timide silhouette étonnée de l'inventeur, avant de la rendre, plus grise, plus solitaire et plus délabrée que jamais, à l'ombre froide de l'oubli et de la misère. Et tandis que la verve de l'auteur nimbe chacun de ses tableaux, tantôt d'une once de réalisme magique, tantôt d'un lyrisme flamboyant, multipliant les hommages à la littérature du XIXe siècle au travers de scènes que n'auraient pas désavouées Jules Verne, Victor Hugo ou Emile Zola et jouant de connivence avec le lecteur qui saura repérer les facétieuses connections que quelques savoureux personnages secondaires établissent avec ses romans précédents, c'est une sorte de conte historique merveilleusement fantasque, aux consonances quasi mythologiques - prométhéennes ou icariennes -, que nous livre ce magnifique portrait d'un si peu solaire conquérant du roi des astres.



L'on referme ce livre enchanté et troublé d'y avoir côtoyé, d'une aussi belle manière, un génie resté dans l'ombre pour s'être trouvé trop en avance sur son temps. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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