Tu pues "tu pues si tu", dit-elle, ou dis-je si je répète, qui répète ? La route période au matin ça peut , ça peut extrêmement métal, plutôt comme un choc comme un chocolat, elle au dictaphone ou moi des mois plus tard qui dis "je", je ne sais pas MI-GRAINE plantée en plein front dents miennes d'urgence minutieusement ou nous dans l'écart de nos deux voix mais quel écart quel décalage ? Il n'y a pas il n'y a qu'un seul filet de voix fait de différents brins, qu'un seul fuseau pour filer, MI-GRAINE une syllabe pour chaque hémisphère, pour filer à l'infirmerie à l'autre bout de la terre.
A : Je suis anthropologue, comme toi. Je voudrais savoir comment font les musiciens pour se dire des choses quand ils jouent, alors qu'ils ne peuvent pas se parler. Tout se passe en dessous, quoi...
Je parle depuis cette grosse raconte sinon tu pues surveille déconne à plein moulins soeur énorme limaille que j'entendais des PROUT ! tas de trucs en même temps, en napperons souillon sophistiquée t'enfermer en tapis volant, des cancres des PROUT ! poux avec les copains mais au fond les basses tout simplement toutes grosses limaille énorme la joie aux éléphants je répète, je veux mettre des tutus aux PROUT ! aux éléphants !
Je crois qu'on peut agir, plus que sur les âmes, sur les fictions : il suffit d'en produire d'autres. Elles viendront travailler celles qui nous font souffrir, les ruiner peut-être.
Mary-Teresa s'installe mais il faut que je pisse. Silence. Depuis les toilettes à côté, tout s'étouffe dès que je ferme, mais j'entends quand même. Elle a branché un vrai fourbi sur le violoncelle et joue la forêt à elle seule, la pique reliée aux racines voisines qui pompent le son vers les hauteurs. Grâce à une pédale électronique, Tree met en boucle des petits morceaux de ce qu'elle vient de jouer : elle pousse la musique en avant et puis d'un coup ça repart vers l'amont, comme un jeune saumon. Deux secondes, juste deux secondes je ferme les yeux pas pour dormir juste pour me reposer, le violoncelle bourgeonne sous le ciel clair. Son truc elle l'a branché avec toutes ces boucles ça tourne. Tree sait se connecter à tous les arbres depuis son truc en bois. Tree, c'est toute la forêt qui résonne sous du crin de cheval, de quoi ne plus voir où sont les cieux pousse en avant et puis d'un seul coup ça avec quel plaisir ça grâce à sarment baie qui coule par ici la sortie. Pipi fini ouvrir les yeux, refermer la braguette bouton après bouton, verrou déverrouillé, bouton de porte, j'ouvre la porte. (p.60)
Tu pues « tu pues si tu », dit-elle, ou dis-je si je répète, qui répète ? La route période au matin ça peut, ça peut extrêmement métal, plutôt comme un choc comme un chocolat, elle au dictaphone ou moi des mois plus tard qui dis « je », je ne sais pas MI-GRAINE plantée en plien front dents miennes d'urgence minutieusement ou nous dans l'écart de nos deux voix mais quel écart quel décalage ?
[ Incipit ]
Sans domicile fixe.
Il y a sur le campus quelque chose de beaucoup plus léger qu’en ville. L’allée centrale, large et droite comme une rue, fourche à mille endroits soudains, les chemins bifurquent et les broussailles cachent ce qu’il y a derrière les courbes. On peut parcourir les pelouses à sa guise.
Beaucoup de prix Nobel sortent de l’université de Berkeley, et beaucoup de sans domicile fixe s’y installent. Le campus est un parc de plusieurs dizaines d’hectares où dans les ombres des arbres on aperçoit ces silhouettes qui lèchent leurs brûlures. Le soleil californien est réputé pour sa douceur, mais le guide "Lonely Planet", parmi une liste de conseils de santé dont la variété m’a surpris, recommande d’éviter une exposition prolongée sans écran protecteur, allant jusqu’à préciser les indices adaptés pour différentes marques de crèmes et laits corporels.