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Critique de docline


Les textes de Borges se présentent souvent sous la forme de très courtes anecdotes (cécité oblige), de petits récits. (Il y a aussi des poèmes )
Ce qui ne veut pas dire que vous devez vous contenter d'une lecture rapide : Sous la couche de surface se cachent des abîmes de points d'interrogations; avec Borges tout texte est un labyrinthe éventuellement masqué (et la ligne droite qui est le comble du labyrinthe borgésien dissimule elle aussi des secrets). (et tout labyrinthe abrite au moins un avatar du Minotaure en principe)
Si les terrains sûrs vous rassurent, passez votre chemin .

Je recopie ici ma traduction de EL CAUTIVO (je n'ai pas d'édition en français)
- LE PRISONNIER -
C'est à Junin ou bien à Tapalqué que l'on rapporte cette histoire. Un garçon disparut après une attaque surprise ; on raconta que les indiens l'avaient volé. Ses parents le cherchèrent en vain ; des années plus tard, un soldat qui revenait de l'arrière pays leur parla d'un indien aux yeux d'azur qui pourrait bien être leur fils. Ils finirent par le trouver (la chronique a perdu les circonstances et je ne veux inventer ce que je ne sais pas) et crurent le reconnaître. L'homme, façonné par le désert et la vie barbare, ne savait plus entendre les mots de sa langue natale, mais il se laissa mener, indifférent et docile, jusqu'à la maison.
Là il s'arrêta, peut-être parce que les autres s'arrêtèrent. Il regarda la porte, comme s'il ne la comprenait pas . Soudain il baissa le front, poussa un cri, traversa au galop le vestibule et les deux longs patios et s'engouffra dans la cuisine. Sans une hésitation il enfonça son bras dans la hotte noire de fumée et en sortit le petit couteau au manche de corne qu'il y avait caché lorsqu il était enfant. Ses yeux brillèrent de joie et les parents pleurèrent car ils avaient trouvé leur fils.
Peut-être que d'autres souvenirs suivirent celui-là, mais l'indien ne pouvait vivre entre quatre murs et un jour il retourna chercher son désert. Moi j'aimerais savoir ce qu'il ressentit en cet instant de vertige où le passé et le présent se confondirent ; j'aimerais savoir si le fils perdu renaquit et mourut dans cette extase ou s'il parvint à reconnaître, au moins tel un bébé ou un chien, les parents, la maison.
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