Gaiement, nous avons tué les dieux.
...
Dans la salle déserte le livre muet
Voyage dans le temps, laissant derrière lui
Les heures de l'aurore et celles de la nuit,
Et ma propre vie, un rêve qui se hâte.
L'arioste et les arabes
- La pluie
Soudain l’après-midi s’est éclairé
Car voici que tombe la pluie minutieuse
Tombe ou tomba. La pluie est chose
Qui certainement a lieu dans le passé.
À qui l’entend tomber est rendu
Le temps où l’heureuse fortune
Lui révéla la fleur appelée rose
Et cette étrange et parfaite couleur.
Cette pluie, qui aveugle les vitres
Réjouira en des faubourgs perdus
Les grappes noires d’une treille en une
Certaine cour qui n’existe plus. Le soir
Mouillé m’apporte la voix, la voix souhaitée
De mon père, qui revient et n’est pas mort.
Dieu meut le joueur et le joueur, la pièce.
Quel dieu, derrière Dieu, commence cette trame
De poussière et de temps, de rêves et de larmes?
La gloire est aussi une des formes de l'oubli.
in L'Arioste et les Arabes
Il m'assurait que la mort du corps est tout à fait insignifiante, et que mourir est l'événement le plus nul qui puisse arriver à un homme.
Le rêve d'un homme fait partie de la mémoire de tous.
mon rêve se dilue, comme l'eau dans l'eau.
C'est à l'autre, à Borges, que ces choses arrivent.
(...)
Je ne sais pas lequel des deux écrit cette page.
ARGUMENTUM ORNITHOLOGICUM
Je ferme les yeux et je vois un vol d'oiseaux. La vision dure une seconde, peut-être moins. Leur nombre était-il ou non défini? Le problème enveloppe celui de l'existence de Dieu. Si Dieu existe, le nombre est défini, car Dieu sait combien d'oiseaux j'ai vus. Si Dieu n'existe pas, le nombre n'est pas défini, car personne n'a pu en faire le compte. Dans ce cas j'ai vu un nombre d'oiseaux, disons inférieur à dix et supérieur à un, mais je n'ai pas vu neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois ni deux oiseaux. J'en ai vu, ni neuf, ni huit, ni sept, ni six, ni cinq, etc. Ce nombre entier est inconcevable; donc, Dieu existe.
(traduit par Paul et Sylvia Bénichou)